XII
La foi aveugle peut sans doute avoir son mérite, mais je crois que si l'on en a fait une vertu, c'est par l'impossibilité où l'on est de faire mieux ; et la preuve en est, ce sont les efforts inouïs que font certains prédicateurs en vue d'élucider ce qui, de leur aveu, est incompréhensible, en accumulant les comparaisons et les hypothèses, pour aboutir à cette conclusion banale : C'est un mystère qu'il faut croire sans le comprendre. Mais quelle puissance n'auraient-ils donc pas sur les convictions, s'ils pouvaient s'appuyer sur une démonstration simple, rationnelle, intelligible, au lieu de se perdre dans un mysticisme qui laisse toujours dans l'âme de l'auditeur un vague, une incertitude qui peut engendrer le doute, et du doute conduire à l'incrédulité ! Pourquoi donc l'Église rejetterait-elle un moyen de lever ce doute quand elle l'a sous la main ? Elle y gagnerait en influence, car la foi intelligente sera toujours plus vive, plus inébranlable que la foi aveugle ; ceci est dans la nature humaine. J'en suis un exemple, Certes avant de connaître le Spiritisme j'étais catholique, mais croyant sans comprendre, j'avoue que le doute effleurait souvent ma pensée, et qu'il n'aurait peut-être pas fallu de grands efforts pour me faire chanceler ; aujourd'hui que grâce au Spiritisme, je puis me rendre compte, je me sens cuirassé contre les arguments du scepticisme. Si c'est le démon qui m'enseigne ces choses-là, il faut convenir qu'il s'y prend d'une singulière façon pour faire des recrues.
Voici la dictée que m'a faite mon Esprit familier sur l'Eucharistie et la Trinité.
« Le mystère de l'Eucharistie, le plus ineffable de de tous, se présente aux Chrétiens avec un caractère si obscur, si inexplicable, que pour demeurer fidèles, ils doivent se réfugier tout entiers dans leur foi. Dès que leur raison essaie de bégayer quelque chose, des obscurités impénétrables s'étendent sur leurs âmes, et s'ils persistent, ils deviennent presque inévitablement incrédules. Eh bien ! le Spiritisme, avec son flambeau, dissipe ces ténèbres.
Nous t'avons affirmé que Dieu, l'Esprit infiniment pur, infiniment puissant, est partout.
Nous t'avons également appris que les Esprits élevés jouissent d'un étonnant privilège, celui d'être à la même heure en plusieurs endroits différents. Plusieurs sont chargés d'un grand nombre d'âmes qu'ils ne quittent pour ainsi dire jamais. Pour nous rendre intelligibles, nous avons employé une expression qui rend imparfaitement cette vérité, mais qui vous aide à la comprendre. Nous avons appelé rayonnement cette merveilleuse propriété d'ubiquité, apanage exclusif des Esprits purs.
Le rayonnement de Dieu est infini ; celui des Esprits est limité. Or qu'est-ce que le sacrement de l'Eucharistie ? l'incarnation du Christ dans l'hostie. Pour vous, spirites, qui connaissez l'insignifiance du corps humain, il est aussi naturel d'admettre la pénétration d'un Esprit dans un fragment de matière que dans un amas de chair et d'os. Eh bien ! étant admis qu'en sa qualité de pur Esprit, le Christ rayonne partout, on conçoit comment il répond chaque jour aux innombrables évocations de ses ministres ; comment il pénètre, s'incarne pour ainsi dire dans l'hostie, qui devient son véritable corps, pour perpétuer l'adorable mystère de la Rédemption. Enveloppé dans le pain et le vin eucharistiques, comme notre âme dans nos organes, il y est réellement et positivement incorporé.
Si vous réfléchissez pieusement, si vous méditez sur le rayonnement et l'incarnation des Esprits, votre raison et votre foi, au lieu de se combattre se donneront un mutuel appui. (Note 10)
C'est encore le rayonnement qui vous expliquera le mystère de la sainte Trinité.
Un seul Dieu en trois personnes ; le Fils qui procède du Père ; le Saint-Esprit qui procède du Père et du Fils ; chacune des personnes étant Dieu, et chacune étant distincte des deux autres, mais ne constituant ensemble qu'un seul Dieu, qu'est-ce que cela, sinon le rayonnement infini de la Divinité ?
Tout ce qui émane de la Divinité ne peut être qu'infini. Une émanation divine rayonne en qualité de Dieu le Fils : Esprit infiniment pur, infiniment puissant comme le Père, et destiné à s'incarner afin de sauver les hommes et demeurer éternellement leur souverain juge ; une autre émanation également pure, également puissante, destinée à illuminer les âmes, rayonne en qualité de Saint-Esprit ; les trois n'en faisant qu'un, mais distincts, et possédant chacun les qualités de l'infini ; telle est la sainte Trinité, ou du moins telle est la faible idée que notre raison si débile peut se faire de cette vérité qui éblouit même les archanges.
Conviens, cependant, malgré l'obscurité dont ce mystère reste entouré, que le Spiritisme y met une lueur inconnue aux théologiens et aux philosophes. Eh bien ! un jour viendra où cette lueur éclairera toutes les âmes ; un jour viendra, je te l'atteste, où l'Eglise sera dans le Spiritisme, ou bien le Spiritisme dans l'Eglise. La foi nouvelle aura de telles clartés, que les plus aveugles, comme les plus endurcis, ouvriront et leurs yeux et leurs cœurs. En attendant, ô mon fils ! bénis et remercie le Seigneur de t'avoir fait spirite, comme tu le bénis et le remercie de t'avoir fait chrétien. Zénon.
lettre_d_un_catholique.pdf (cslak.fr)