LE REGENERATEUR
FEVRIER 1874
Au souffle d’un ouragan terrible, une ville entière vient de s’écrouler ; dans les rues désertes, on aperçoit quelques personnes affolées de terreur ! Au loin l’orage gronde encore, le vent disperse les débris.
De cette cité orgueilleuse, il ne reste plus rien ou presque rien, et dans les environs un seul sentiment subsiste, celui de la terreur qu’inspirait sa puissance ! De sa gloire, de son génie, de ses oeuvres, il reste à peine un léger souvenir !
Cependant tout n’est pas mort dans la cité, et, les rares habitants qui sont restés, ont été appelés par les cris d’un enfant.
Enfant !... Synonyme de bonheur, amour, espérance ! Enfant ! — Promesse !
Quels sont ceux qui comprendront cette naissance au milieu de ces ruines ?
Quels sont ceux qui comprendront que rien ne meurt, que la mort même est créatrice d’une vie ?... Quels sont ceux qui viendront entourer ce berceau, l’envelopper de leur dévouement, le soutenir par leur présence, le défendre par leurs actes.
Quels seront les éclairés, les sages qui comprendront leur devoir, qui sauront faire la part de l’enfance et de ses faiblesses et entrevoir l’homme de génie, l’avenir, à travers les langes du
berceau ?
La vieille église romaine vous fait ses adieux ! Au souffle des idées nouvelles, au vent du progrès, lentement elle tombe ; elle s’en va, maudissant son enfant nouveau-né, sans vouloir comprendre que cet enfant c’est elle, sans vouloir croire que cet enfant apporte ce qu’elle n’a pu donner. Elle se cache, cette mère, elle se voile pour ne pas être éblouie par les rayonnements qui s’échappent du berceau de son enfant.
Auprès de cet enfant que vous avez à garder se trouve votre devoir, spirites ! Il faut qu’il grandisse, élevé, développé, transformé par vos soins. Il faut que les promesses qu’il apporte soient tenues et au delà.
Cet enfant, c’est aussi un sauveur, un régénérateur, il conduira l’humanité à l’avenir de bonheur et de liberté qui doit être son partage.
Cet enfant que le progrès vous confie, adoptez le, donnez-lui votre vie, cet enfant, c’est le spiritisme !!!!
Vergniaud.
SOYEZ UNIS QU’ILS SOIENT UN COEUR ET UNE AME
MARS 1874
Lorsqu’il arrive des mondes supérieurs où de temps en temps l’Esprit va s’instruire et se fortifier, il se trouve frappé en se rapprochant de cette planète, de la discordance, de la dissonance des pensées humaines.
Une partie de l’humanité, le sommet, le côté intelligent voudrait marcher au progrès dont la conséquence se trouve être le bonheur général, les autres parties préférant plus ou moins la boue à l’azur, rétrograderaient, s’y enfonceraient davantage encore, ou ne se donneraient pas la peine de faire un pas pour en sortir. II résulte de cela une lutte d’idées cause de toutes les catastrophes sociales.
J’attribue le manque d’harmonie principalement à cette première partie, à ce sommet intelligent que j’ai nommé tout d’abord, et c’est à lui que je reproche les renversements, les bouleversements, les cataclysmes.
Comment ces hommes qui, plus intelligents devraient être meilleurs, ces esprits incarnés sur la terre pour y acclimater le progrès n’ont-ils pas compris que l’amour seul les soutiendrait, les fortifierait et leur donnerait la victoire ? Faut-il donc que cette union, cette solidarité, soient pour en faire l’épreuve mises d’abord au service de causes toutes matérielles ?...
Philosophes de toutes les doctrines progressistes, si vous ne faites abnégation de ce vous-même qui vous enlace petit à petit, de cet esprit de parti qui vous mine et vous creuse comme l’eau creuse le rocher, vous n’arriverez jamais à tourner les intelligences vers la lumière, vers la vérité, avec cet harmonieux ensemble qui fait la vie et la prospérité d’un monde !
Chacun de vous se croit le plus fort, chacun croit avoir contemplé de plus près le radieux soleil de justice, et chacun de vous en condamnant son semblable, en jugeant les idées avec intolérance, en repoussant au lieu de soutenir, perd ses forces et n’avance pas.
Que cet esprit est morose ! Allez-vous tous vous écrier à la lecture de ces quelques lignes, je voudrais que vous disiez vrai, mais, malheureusement, je n’ai que trop raison de vous parler ainsi.
Croyez-vous, spirites, vous auxquels est donné d’entendre les voix de la seconde vie, vous qui profitez d’une double expérience et qui devez, qui devriez être doublement bons, croyez-vous, dis-je, que ma petite leçon ne puisse vous être appliquée ?...
Vous êtes en petit nombre, vous êtes sans cesse exhortés par des voix amies, et pourtant... Vous aimez-vous bien les uns les autres ?... Ne vous éloignez-vous pas, ne vous séparez-vous pas souvent au lieu de vous unir, de vous pardonner, de vous soutenir ?... Parmi vous il en est qui trouvent que nous prêchons toujours sur le même sujet, que nous disons bien des fois la même chose, c’est vrai, mais ne faut-il pas que nous fassions notre devoir et que nous vous apprenions les mêmes chapitres tant que vous ne les saurez pas ?... Amis, je vous permets de dire que je suis maussade, mais constatez au moins que je voudrais vous voir parfaits, et que, si je gronde, c’est pour vous pousser un peu plus vivement à être unis les uns envers les autres par la plus sincère, la plus franche, la plus entière fraternité.
Je voudrais voir par vous, spirites, la charité pratiquée dans sa plus large acception. Je la voudrais complète, sans arrêts et sans nuages. Je voudrais que grâce à la cordialité, à l’entente de ses adeptes, la philosophie spirite entraînât toutes les âmes assez avancées intellectuellement pour l’apprécier, tous les esprits doués d’assez de moralité pour en faire autre chose qu’une belle et admirable théorie.
L’harmonie des pensées et des sentiments, c’est le superlatif de la beauté morale, or toute beauté est une attraction.
Votre devoir, chers spirites, mes amis, est d’apporter partout où vous vous montrez la paix, la consolation, l’espoir !
On peut être heureux malgré les épreuves lorsqu’on porte en soi la force et la satisfaction du devoir accompli. Je demande aux spirites ce que les apôtres de Christ demandaient aux fervents des premiers jours du christianisme. « Qu’ils soient : un coeur et une âme ! »
Le secret de la réussite est là, et les résultats de cette réussite sont assez beaux pour que l’on consente à une légère souffrance, à une lutte avec les passions afin de les obtenir.
Pascal.
ALLEZ ET ENSEIGNEZ LES NATIONS
MARS 1874
C’est encore moi, et je reviens sur le même sujet.
Sur cette terre, monde de haine et de discorde jusqu’aujourd’hui, il parait étrange de venir prêcher l’unité, la fraternité, la paix, pourtant, les époques sont passées où les peuples, le front dans la poussière, parqués et nombrés comme des troupeaux, remerciaient du fond du coeur le Dieu des armées après des victoires où ils avaient laissé le meilleur de leur sang, et criaient d’une seule voix : « longue vie à nos maîtres ! » a, par la force de sa puissance, brisé toutes les chaînes et relevé tous les fronts. Aujourd’hui, l’égalité existe au moins devant la loi, et la plus respectée des royautés est celle de l’intelligence et du génie.
Il s’agirait maintenant en réunissant en un seul faisceau, toutes les forces, d’entraîner irrésistiblement vers la loi d’amour et de progrès chaque parcelle de ce grand tout, qui constitue l’humanité.
Une des premières conditions serait de mettre à même tous les peuples suivant leur degré d’intelligence, d’apprécier eux-mêmes, d’apprendre à connaître ce qui est juste, bon et vrai.
De toutes les croyances chancelantes, de la foi aveugle qui admet tout, même l’absurde, de l’athéisme qui nie tout, même le Créateur, il faudrait ôter l’invraisemblable et enseigner à leur place la vérité prouvée avec la science. Il faudrait donner la foi profonde, sensée, éclairée, qui met au coeur de tout homme, la conscience et l’amour du Juste.
Spirites, encore une fois je reviens à votre philosophie que je trouve propre à fermer les blessures
de l’humanité, à votre doctrine entrevue depuis si longtemps par les intelligences d’élite, et qui deviendra, n’en doutez pas, la croyance générale.
Eh bien, dois-je vous répéter la parabole du semeur ?... — Non.
Vous avez en main les forces actives, mais quand vous aurez encore travaillé, vous aurez celles bien autrement puissantes de l’attraction, de la volonté, auxquelles rien ne résiste.
Votre croyance est encore à l’état embryonnaire, parce qu’il nous est impossible, vu le peu de développement de certaines facultés de vous enseigner aujourd’hui tout ce que vous devez savoir un jour. Mais ce que vous pouvez déjà, ce que vous devez faire pour la glorification de cette croyance, c’est de la rendre enviable, c’est d’en donner les enseignements d’une façon claire, c’est de prouver par vos actes qu’il n’est nul besoin de lois ecclésiastiques, de prédominances presque divines pour amener les hommes à mettre en pratique la première, la plus sainte et la plus importante des lois du Créateur : « adorez Dieu, et aimez-vous les uns les autres ! »
Ce qui vous appartient aussi, c’est de montrer de quelle manière le spiritisme comprend cette loi d’amour, répandant largement ses bienfaits, sa tendresse, sa miséricorde sur tous les êtres de la création ; intelligents ou arriérés, mauvais ou bons, coupables ou saints, chaque homme doit être aimé du même amour ! Au foyer du spiritisme les pensées doivent n’en faire qu’une, toutes les prières doivent se confondre pour aller à Dieu qui les renvoie sur la terre comme une rosée bienfaisante !
Unité de foi, unité d’amour, unité dans l’enseignement de votre doctrine.
Pascal.