TRANSFORMATIONS LABORIEUSES
AVRIL 1875
« Si vous ne renaissez de l’eau et de l’esprit, vous n’entrerez point dans le royaume des cieux »
Combien de fois, mes frères, faut-il renaître de l’eau et de l’esprit ?.. — Combien de fois faut-il pétrir cette matière ?..
Combien de fois faut-il dégager, améliorer, transformer cet esprit ?.. Combien de fois faut-il tailler une facette à cet incomparable diamant qui s’appelle l’âme ?
Combien de fois s’enveloppant de cette matière terrestre qu’on appelle le corps, l’âme doit-elle revenir pour refaire son travail et parachever son oeuvre ?
Combien de fois ?.. — Toujours, jusqu’à ce qu’elle soit parfaite !
Qu’est-ce qu’une incarnation ?.. — Une heure de travail, pas davantage.
Dans la vie immortelle de l’âme, dans ce long voyage qu’elle entreprend, dans ce voyage qui commence à la matière et finit à l’esprit, qu’est-ce qu’une incarnation, qu’est-ce que dix, vingt, trente, cent incarnations ?... — Un atome !!! Des molécules qui réunies un jour doivent former une seule existence !
Or, je vous le demande, s’il en est ainsi pour la vie d’un être, s’il en est de même pour le perfectionnement d’un monde qui ne s’opère que petit à petit et pour mieux dire jour par jour, que doit-il être de l’avènement, du progrès d’une philosophie qui amène par la connaissance de ses doctrines et la pratique des vertus une humanité au bonheur ?… — Vous remarquerez, mes frères, au sujet de l’implantation de cette philosophie dans un monde, le même travail pénible que pour le perfectionnement d’un être. Cette philosophie, cette religion dirai-je même puisque nous parlons du spiritisme, ne naîtra qu’après un laborieux enfantement, ne grandira qu’après de nombreuses transformations et des crises plus ou moins douloureuses ; car, souvenez-vous d’une chose, c’est que votre terre est un monde de douleur et de peine, c’est que pour votre terre le bonheur est une conquête précédée de plus d’un combat.
Oui, mes frères, ce n’est qu’après un long travail, ce n’est qu’après une lutte souvent désespérée que vous pourrez montrer au monde votre drapeau portant l’auréole de la vérité absolue. Jusque-la, vous fortifierez vos coeurs dans une lutte journalière et vous donnerez une preuve évidente de ce que peut faire malgré les obstacles un noyau de croyants, un faisceau de volontés marchant bravement vers la vérité, vers le progrès, vers la liberté !
Vous renaîtrez, mes frères, et votre croyance recevra plus d’un baptême encore, mais, dès maintenant marchez sans crainte, vous êtes dans le vrai et vous allez à Dieu !
Lacordaire.