Carl du Prel a-t-il raison de dire que l’au-delà n’est pas un lieu, mais une sensation ?
Ce que dit M. du Prel est vrai, car la sensation peut être différente dans le même lieu, il est certain que si, autour de vous, à côté de moi, il y a des Esprits très peu avancés, leur sensation est toute différente de celle que j’éprouve, bien qu’à la minute précise nous soyons dans la même sphère, mais la différence existe en ce que, si je suis dans l’ambiance de la terre, ce n’est que volontairement, et que j’y conserve un état d’âme très supérieur.
Il faut comprendre que je peux m’élever au-dessus de la sphère terrestre, tandis que les Esprits inférieurs ne le peuvent pas.
Le mot au-delà n’est-il pas un peu impropre ?
Il n’est pas impropre: au-delà de la vie, telle est la signification.
Roudophe parle de l’endroit où vous êtes en disant: « là-bas ? »
Cela ne fait rien, parce que « là-haut » est aussi un terme impropre. Ce n’est pas plus haut, c’est ailleurs, et ce n’est plus haut que par rapport à votre position terrestre. Il n’y a ni haut ni bas dans l’infini, et, si nous nous servons de ce terme, c’est pour nous mettre à votre portée, afin de ne pas invoquer toute la science extra-terrestre qui nous a enseigné les lois de la gravitation. Disons, si vous voulez, que là-haut et là-bas sont des termes fictifs destinés à vous faire comprendre une distance qui n’est franchie que par notre électricité jointe à celle des mondes, la gravitation étant une question d’électricité.
Est-il exact de dire que, seule, la certitude mathématique est capable de fournir un élément de conviction sur tout ce qui concerne l’au-delà ?
Cela dépend de ce que l’on entend par certitude mathématique. Si on fait entrer en ligne de compte tout ce que ces Messieurs ignorent, oui, en effet, c’est la seule chose probante, mais, ces calculs-là, ils seraient bien embarrassés pour les mettre d’aplomb, attendu que l’un des facteurs, les calculs de l’univers astral leur manque.
Je suis sûre que tout le système est, en somme, très simple, et composé d’une ou deux lois qui embrassent tout ?
Oui, c’est si simple, et cela semble si difficile à comprendre tant que l’on est sur terre !
Cela vous semble tout simple, à vous ?
Oui.
C’est un ensemble dont il suffit d’avoir une clef pour tout ouvrir ?
Oui, mais, cette clef-là, il n’y a pas de serrurier incarné qui puisse la fabriquer à votre usage.
Vous ne pouvez pas nous expliquer cela ?
Non, parce qu’il faudrait partir d’un principe qui vous est inconnu. C’est comme si vous vouliez expliquer la musique à un sourd qui, pour s’en faire une idée, aurait besoin de pouvoir se rendre compte de ce qu’est un son ou un bruit.
Alors, quand on arrive où vous êtes, on comprend tout à coup ?
Oui.
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Le Dr Hyslop a-t-il raison d’expliquer le peu de renseignements que donnent les Esprits de Mme Piper en disant que leur monde est trop différent du nôtre pour qu’ils puissent nous parler ?
Les deux mondes ont énormément de rapport, mais il est certain qu’il y a cependant des choses ignorées de vous et dont nous ne pouvons pas vous parler, puisque cela ne répondrait à aucune des choses connues dans votre monde. Le monde de l’au-delà est plus semblable au vôtre que l’auteur ne le dit, mais il suffit d’un point différent pour que tout devienne incompréhensible.
Les descriptions de l’au-delà données par Swedenborg sont-elles exactes ?
Non.
En quoi s’est-il trompé ?
En matérialisant le monde spirituel, nous n’avons besoin ni de chrysocale ni de temples d’or et de rubis. La réalité de l’au-delà est plus magnifique, dans sa simple grandeur, que tous ces tableaux produits par l’imagination humaine. L’espace, avec ses splendeurs divines, est notre demeure. Rien ne saurait être comparé aux jouissances que donne son libre parcours. Ni le temps, ni la distance ne nous arrêtent, et c’est pour nous, qui nous souvenons des chaînes terrestres, une joie sans cesse renouvelée que cette liberté sans entraves.
Est-il vrai « qu’on peut déduire de ce fait qu’au moment où se produit une des matérialisations des séances d’Eusapia, celle-ci perd de son poids, que l’action de la pesanteur est liée non seulement à la partie dite matérielle du corps, mais à cette partie, disons fluidique qui, dans certaines conditions, peut s’extérioriser ? »
Oui. La matière pèse davantage, et, la preuve, c’est qu’un cadavre pèse presque autant qu’un vivant, mais ce qui s’extériorise, c’est le fluide, dont le poids n’est absolument vérifiable que dans notre atmosphère, et, comme cette atmosphère est très différente de la vôtre, c’est ce poids qui fait tomber le corps dans notre plan en le séparant du vôtre. Cela fait une densité différente qui s’accorde avec notre atmosphère, au détriment de la vôtre. C’est ainsi que se reconstitue l’être psychique tel que nous le voyons dans nos sphères.
Dites-moi sous quelle forme vous vous voyez les uns les autres ?
Sous, la forme de l’enveloppe périspritale, qui nous permet de nous reconnaître. A travers la succession des vies, notre périsprit se modifie légèrement, mais, cependant, conserve un type qui le suivra dans toutes ses incarnations. Il suffit donc que, dans l’espace, nous rencontrions un ami pour que sa vue fasse revivre en nous des souvenirs, des émotions, qui donnent immédiatement à notre physionomie l’expression connue dans l’incarnation où nous étions avec l’ami rencontré.
N y a-t-il pas des modifications résultant de l’âge auquel on s’est désincarné ?
On a un type qui se poursuit avec des différences d’âge ou d’aptitudes, de moralité, d’intelligence, mais, en somme, c’est le même type, et, si un Esprit est mort enfant, il lui suffira de se retrouver en la présence d’un Esprit connu pour que, sa pensée se reportant à cette époque, il reprenne le physique qu’il avait alors.
En somme, chacun, en arrivant où vous êtes, vous reconnaît comme il vous a connu ?
Oui, mais l’Esprit a, dans l’espace, dès qu’il est désincarné et heureux, un type plus affiné que ce qu’il était dans la matière. La forme des traits est la même, mais plus délicate, ce qui fait dire aux voyants qu’ils ont vu un tel plus beau et plus jeune.
Des qu’il est désincarné, l’Esprit reprend son enveloppe-type, débarrassée de ses imperfections et des souillures de la matière, et il la reprend à l’âge de l’apogée, c’est-à-dire l’âge où l’on est dans la plénitude de ses facultés, car ni l’enfance, ni la sénilité, ne peuvent donner l’idée d’un être parfait.
Nos organes, nos sens, revivent dans notre pensée, quand nous sommes désincarnés par conséquent, nos organes sensuels sont devenus inutiles. Il nous reste le meilleur, c’est-à-dire la pensée, la réflexion, et la concentration de tout ce qui s’exhalait au dehors par les organes des sens.
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Mais nous avons toujours notre périsprit, par conséquent, nous conservons toute notre apparence physique. Nous avons seulement, en moins, la matérialité charnelle et un peut bestiale dont on a tant à souffrir sur terre.
Est-il vrai que le corps astral est coloré en blanc bleuté ?
Ceci est une question de vibrations c’est, du reste, le langage des couleurs et des images qui nous sert beaucoup.
Vous savez bien reconnaître, par vos médiums voyants, la qualité et l’élévation de l’Esprit d’après sa luminosité et sa couleur.
Quelle mine avons-nous quand nous allons vers vous ?
Vous reprenez votre mine d’Esprit, nous vous voyons tels que vous êtes, mais spiritualisés, comme l’est tout corps éthéré, comme vous serez quand vous aurez aussi franchi la frontière et nous aurez rejoints dans le monde des désincarnés. Vous êtes vêtus de fluides, comme les Esprits.
Il est donc indifférent de rapporter là où vous êtes un vieux ou un jeune périsprit ?
C’est l’âge mûr qui est considéré comme l’apogée.
Si on meurt vieux, a-t-on là-haut un périsprit vieux et vilain, comme ce qu’on était devenu sur terre ?
Non, on revient à l’apogée. Une vie humaine, c’est une échelle. Il faut se faire, si je puis m’exprimer ainsi, acquérir son moi, sa supériorité, son apogée. On emploie à ce travail l’enfance et les premières années de la jeunesse, puis, arrivé à ce point, on commence à descendre tout doucement vers la désincarnation. Je parle du corps.
Entre la naissance et l’âge mûr, il y a, pour le corps physique, croissance et développement, puis après, peu à peu, le corps se fatigue, il commence à s’user, à déchoir, et à préparer ainsi sa désincarnation.
Aussi reprend-on là-haut le physique de l’apogée, celui qu’on est venu façonner sur terre, on revêt l’enveloppe de l’oeuvre achevée, et non de l’oeuvre ébauchée ou en décrépitude.
Quant à l’âme, c’est autre chose, l’âme peut progresser encore longtemps après l’apogée physique, mais ceci est une question d’avancement, car l’âme qui a une force morale très grande peut, en dépit d’un corps qui s’use, rester grande et commander à ce corps, le dominer complètement, tandis que l’âme chargée d’un tout petit bagage d’acquis ne peut le mener au delà d’une certaine période, et, quand son cerveau débile ne la sert plus, n’étant pas suffisamment immatérielle pour puiser sa force en elle-même, elle suit les impulsions déréglées de ce cerveau, et s’atrophie. Quelquefois aussi, c’est une cause de maladie qui, ayant miné le corps, a ainsi emprisonné l’âme dans une enveloppe insuffisante.
N’y a-t-il pas injustice, si le type reste le même, à ce que les uns soient toujours jolis et les autres toujours vilains ?
Les vilains ne sont pas toujours vilains, ils ont un type qui, en se déformant dans la matière ou dans un moule de parents vilains, peut produire, en effet, un être pas beau du tout, mais cette laideur ne sera qu’une déformation du type. Cet être, une fois mort, sera débarrassé de sa déformation et reprendra son type initial. Il ne reprendra sa laideur que quand il aura à se faire reconnaître d’un être connu dans l’incarnation correspondante, mais il lui apparaîtra singulièrement embelli.
S’il a à s’incarner de nouveau, il le fera en rapportant son type de l’espace, et, cette fois, si la matière qu’on lui prête n’est pas issue de vilains parents, il pourra être tout à fait joli garçon.
Dans l’espace vous êtes donc tous jolis ?
Bien, de figure agréable et harmonieuse. Puis, le type s’affine aussi par la perfection. Dans la première incarnation humaine, on a un type obtenu par un mélange de la dernière incarnation animale avec les premiers parents humains cela donne le type qui sera poursuivi et affiné par la progression, mais cette perfection du physique n’est appréciable et remarquable que chez l’Esprit alors qu’il est dans l’espace, car, en incarnation, on peut être, quelquefois, laid tout en étant un être avancé ; cela vient alors de ce que,
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pour avancer davantage et se défaire d’un défaut de vanité ou de fatuité, l’Esprit a désiré s’incarner chez des parents dont le physique a dû aider à la déformation du type.
Mais, dans ce cas-là, l’avancement de l’Esprit se lira quand même sur le visage de l’incarné, et c’est ainsi que, souvent, des hommes laids ne vous semblent pas aussi disgraciés de la nature, parce qu’ils ont une sorte de bonté, ou de distinction, on d’intelligence dans la physionomie, tandis qu’un être beau garçon, mais primitif, peut vous sembler affreux.
Les Esprits qui prennent des années et semblent obéir encore à la croissance matérielle, sont des Esprits qui restent attachés à leur enveloppe odique, et tels sont ceux vus par les personnes qui, ayant perdu leur enfant, le retrouvent à un âge plus avancé que celui de sa désincarnation.
L’évolution d’une âme ordinaire dans l’au-delà est une chose impossible ; il faut la terre, ou une planète analogue, pour apprendre, car l’au-delà est une sphère de repos, faite pour méditer, reprendre des forces en vue d’un élan à donner pour monter encore plus haut, toujours plus haut.
L’âme n’y est pas assez soumise aux difficultés ; on évite trop facilement les rencontres fâcheuses ou antipathiques, on ne s’y forme pas, en un mot.
On peut y progresser quand on est déjà très évolué, parce qu’on s’affine, mais il en est un peu pour l’âme comme pour l’ouvrier qui a besoin de travailler grossièrement la matière avant de faire du travail de détail, s’il commençait par là, si on lui montrait un objet à embellir avant que son goût ne soit formé et ne sache reconnaître les minuties de l’art, il regarderait cet objet et n’y trouverait rien à faire ce qui existerait lui paraîtrait suffisant. Il faut donc le dresser d’abord à exécuter des formes rudimentaires, grossières, puis peu à peu plus soignées, avant qu’il comprenne toute la finesse qu’on peut ajouter à une oeuvre pour la parfaire. L’âme est aussi une ouvrière qui doit venir apprendre l’ébauche sur terre avant d’être enveloppée des fluides de perfection qu’on peut trouver dans l’au-delà.
Les désincarnés qui ont été hommes dans leur dernière incarnation, ont-ils une apparence barbue où vous êtes ?
Naturellement.
Comment le type peut-il se conserver, puisque le sexe change fréquemment d’une incarnation à une autre ?
Pas si fréquemment que cela, chère amie. Dans ce cas, c’est le type principal qui persiste. Si l’Esprit a été souvent homme et, un jour, a voulu savoir ce que c’est que d’être femme, c’est un incident sans importance, et il reprendra ensuite son type d’homme. Puis, le type peut se prêter aux deux sexes ; que de fois voyez-vous des fils ressembler tellement à leur mère que leurs visages vous semblent presque identiques ?...
Quand l’Esprit rencontre un ami, il reprend le type connu de l’Esprit rencontré, et la simple présence d’un ami connu le reporte à l’incarnation vécue ensemble. L’ami le voit tel qu’il l’a connu, et il y a aussi bien un effet de vision de la part d’un des Esprits que de réalité de la part de l’autre. Il y a toujours le type qui ne se perd pas, et les détails seuls sont de nature changeante, tant par le souvenir que par la vue des Esprits.
Que de choses que vous ne pouvez concevoir et qui vous semblent impossibles, tandis qu’elles sont si simples pour nous ! Ce fait du changement de sexe n’est pas si fréquent qu’on le croit, on a une certaine attirance vers le sexe primitif, soit par des raisons de tendresse, d’amour, soit par des sentiments généraux sensitifs, soit par un besoin d’agir plus énergiquement dans une incarnation masculine.
Si cette migration à travers les sexes était aussi répandue qu’on le dit, on ne remarquerait pas autant les êtres qui semblent avoir une âme virile dans un corps de femme, ou les caractères doux, pusillanimes, sensitifs, dans une enveloppe mâle. Ces anomalies sont des exceptions, et si, justement, elles sont remarquables, c’est parce que l’âme masculine enfermée dans un corps féminin est vraiment mâle depuis de nombreuses incarnations, et a une empreinte indélébile. Ensuite, il y a une chose positive, c’est qu’une fois à un certain plan, les sexes disparaissent, et que, précisément, il a fallu que les âmes soeurs, ou âmes épouses, soient séparées par un sexe différent en incarnation, pour se retrouver et se réunir en un entier, qui est deux âmes en une seule, ou deux moitiés d’âmes réunies en un entier.
Là, je vous attends : vous allez dire que vous ne comprenez pas, et ces choses sont, en effet, incompréhensibles pour les incarnés, c’est pourquoi je ne vous en parlais pas.