Il est habituel en France d’insister sur l’aspect philosophique du Spiritisme et d’affirmer que le Spiritisme n’est pas une religion, au contraire du Brésil où le caractère religieux du Spiritisme est nettement affirmé 1. Sans entrer dans ce débat qui consiste à déterminer si oui ou non le Spiritisme est une religion au sens traditionnel du terme 2, il n’en reste pas moins que le Spiritisme a un caractère sacré, c’est-à-dire divin 3. Ce caractère sacré repose sur le fait qu’il est relié à Dieu, au sens originel du terme latin religare (lier, relier), car c’est une révélation divine et l’idée de Dieu est un de ses principes fondamentaux4.
I. UNE REVELATION DIVINE
Le Spiritisme est une révélation5 car il a fait connaître aux hommes le monde invisible, les lois qui le régissent, ses rapports avec le monde visible, la nature et l'état des êtres qui l'habitent, et par suite la destinée de l'homme après la mort. C’est une révélation divine parce qu’elle transmet aux hommes un ensemble de connaissances, directement puisées dans la science divine, auxquelles ils ne peuvent accéder par eux-mêmes6. De plus c’est Dieu qui a décidé de son avènement : « son avènement est providentiel, et non le résultat de l'initiative et d'un dessein prémédité de l'homme7." Dieu est donc à l’origine de la révélation spirite et de son contenu. La révélation spirite est une conséquence de Sa sollicitude et de Sa miséricorde envers les hommes. Cette révélation est la dernière en date que Dieu a envoyée aux hommes après l’hindouisme, le judaïsme, le bouddhisme, le taoïsme, le christianisme, l’islam, etc8.
Une des particularités de la révélation spirite, c’est qu’elle n’est personnifiée par aucun individu, comme auparavant les prophètes, elle a pour auteur les Esprits mandatés par Dieu pour éclairés les hommes : « Les points fondamentaux de la doctrine sont le fait de l'enseignement donné par les Esprits chargés par Dieu d'éclairer les hommes sur des choses qu'ils ignoraient.9.»
La révélation spirite est donc à considérer sur le même plan que les autres révélations envoyées par Dieu aux hommes, c’est-à-dire comme un ensemble d’enseignements divins montrant la voie du salut et du bonheur futur. À ce titre, le Spiritisme est tout aussi respectable que les autres religions et spiritualités terrestres.
II. DIEU EST AU CŒUR DU SPIRITISME
Dieu est un des principes fondamentaux du Spiritisme, bien que trop souvent négligé au profit de l’existence, accessoire des Esprits qui ne sont que ces créatures. Dieu est la clé de voûte, le pivot de la révélation spirite. Léon Denis l’affirme sans détour : « L’existence de Dieu constitue un des points essentiels de l’enseignement spirite. J’ajoute qu’il est inséparable du reste de cet enseignement, parce que, dans ce dernier, tout se lie, se coordonne et s’enchaîne10. […] L’idée de Dieu nous apparaît comme la clé de voûte de la doctrine spiritualiste11.»
Dieu est en effet au cœur de la philosophie spirite : le premier chapitre du Livre des Esprits lui est consacré et il débute par cette question fondamentale : « Qu’est-ce que Dieu ? " A laquelle les Esprits supérieurs répondent : "Dieu est l’intelligence suprême, cause première de toute chose.» De nombreuses réponses des Esprits instructeurs, toujours dans le Livre des Esprits, renvoient à Dieu. Les principes fondamentaux du Spiritisme : la réincarnation, la loi de cause à effet sont un effet de la miséricorde et de la justice divine. Il n’est pas jusqu’au sens de la souffrance sous toutes ses formes qui ne puisse se comprendre sans Dieu, puisqu’elle est un moyen d’évolution morale, d’expiation et de réparation aux infractions aux lois divines.
Dieu est au cœur de la morale et de l’éthique spirite. La morale spirite repose sur l’observation des lois divines morales (question 629 du Livre des Esprits). Le bien et le mal se définissent par rapport aux lois divines : « Comment peut-on distinguer le bien et le mal ? Le bien est tout ce qui est conforme à la loi de Dieu, et le mal tout ce qui s'en écarte. Ainsi, faire le bien, c'est se conformer à la loi de Dieu ; faire le mal, c'est enfreindre cette loi. » (Question 630 du Livre des Esprits). La première des lois divines à respecter est celle de l’adoration divine. Le premier devoir de tout spirite est l’adoration de son créateur par le biais de la prière12». La loi divine la plus importante à respecter est celle de l’amour et de la charité. Le respect des lois divines détermine le salut de l’individu qui est plus ou moins heureux dans le monde spirituel en fonction de ce critère. L’éthique spirite est le reflet de l’éthique divine, malheureusement peu respectée sur la Terre. Dieu et ses lois sont incontournables dans le Spiritisme.
Toute la conception spirite de l’univers et de l’homme repose sur Dieu, ainsi que le montre magistralement Léon Denis dans La grande énigme, Dieu et l’univers auquel nous renvoyons le lecteur13. Dans La Genèse, les miracles et les prédictions selon le Spiritisme, l’exposé proprement dit débute par un chapitre sur Dieu, signifiant ainsi sa place centrale dans la cosmologie spirite : « Dieu étant la cause première de toutes choses, le point de départ de tout, le pivot sur lequel repose l'édifice de la création, c'est le point qu'il importe de considérer avant tout14.» Il est « la cause éternelle, où tous les êtres viennent puiser la force, la lumière et la vie15.» Chaque Esprit est un rayonnement de Dieu, une étincelle émanée de l’éternel foyer16.
Dieu est le but ultime vers lequel chaque créature doit tendre. Les incarnations successives, l’amélioration morale n’ont d’autre but que de pouvoir se rapprocher un jour de Dieu17. Le bonheur spirituel, décrit par les Esprits instructeurs, consiste dans le ressenti de l’amour divin, extase des extases éternelles18.
Dieu est la source des phénomènes spirites quels qu’ils soient qui ne peuvent se produire qu’avec son autorisation, par exemple les matérialisations19. Les réunions médiumniques débutent par une prière afin de demander à Dieu qu’il permette aux Esprits instructeurs de son choix de se communiquer pour apporter un enseignement ou une aide spirituelle à ceux qui souffrent. Il n’est aucune activité spirite qui ne soit sanctifiée par le recours à la prière, car le spirite œuvre par amour pour Dieu et tous ses actes n’ont d’autre but que de le servir. Il sait de plus que la prière attire les bons Esprits mandatés par Dieu. La médiumnité elle-même repose sur une transmission provisoire de l’amour divin et de la science divine d’où son caractère sacré20.
Le Spiritisme apparaît donc indubitablement comme une philosophie religieuse centrée sur Dieu. L’insistance sur l’existence des Esprits et le monde spirituel a quelque peu éludé ce point fondamental sur lequel les Esprits instructeurs souhaitent à présent remettre l’accent. Cette insistance sur Dieu, tout comme le caractère sacré du Spiritisme, sont importants en raison des conséquences morales qu’ils impliquent, à savoir qu’« être spirite, c’est servir Dieu tout d’abord ».
Conclusion
Le caractère sacré du spiritisme repose sur le fait qu’il est une révélation divine centrée sur Dieu. La méconnaissance, l’oubli ou la négation de ce point fondamental est à l’origine d’une conception erronée du Spiritisme, qui a pour principales conséquences une minimisation de sa portée morale, ainsi que de la discipline de vie et du savoir être qu’il implique. Elle ne permet pas de comprendre que le Spiritisme est avant tout une orthopraxie : c’est-à-dire qu’il se réfère surtout au domaine de l’action et consiste à avoir une conduite conforme aux lois divines morales. Sans cette compréhension, il tend à devenir une croyance vidée de son contenu réel, une suite « de phrases, de mots, de propos dénaturés » et dans la pratique : un spiritisme de salon.