Né à Lyon, le 3 octobre 1804, d'une ancienne famille qui s'est distinguée dans la magistrature et le barreau, M. Allan Kardec (Léon-Hippolyte-Denizart Rivail) n'a point suivi cette carrière. Dès sa première jeunesse, il se sentait attiré vers l'étude des sciences et de la philosophie. Élevé à l'École de Pestalozzi, à Yverdun (Suisse), il devint un des disciples les plus éminents de ce célèbre professeur, et l'un des propagateurs zélés de son système d'éducation, qui a exercé une grande influence sur la réforme des études en Allemagne et en France.
Doué d'une intelligence remarquable et attiré vers l'enseignement par son caractère et ses aptitudes spéciales, dès l'âge de quatorze ans, il apprenait ce qu'il savait à ceux de ses condisciples qui avaient moins acquis que lui. C'est à cette école que se sont développées les idées qui devaient plus tard, le placer dans la classe des hommes de progrès et des libres-penseurs. Né dans la religion catholique, mais élevé dans un pays protestant, les actes d'intolérance qu'il eut à subir à ce sujet lui firent, de bonne heure, concevoir l'idée d'une réforme religieuse, à laquelle il travailla dans le silence pendant de longues années, avec la pensée d'arriver à l'unification des croyances ; mais il lui manquait l'élément indispensable à la solution de ce grand problème.
Plan proposé pour l'amélioration de l'instruction publique (1828) ; Cours pratique et théorique d'arithmétique, d'après la méthode de Pestalozzi, à l'usage des instituteurs et des mères de famille (1829) ; Grammaire française classique (1831) ; Manuel des examens pour les brevets de capacité ; Solutions raisonnées des questions et problèmes d'arithmétique et de géométrie (1846) ; Catéchisme grammatical de la langue française (1848) ; Programme des cours usuels de chimie, physique, astronomie, physiologie qu'il professait au LYCÉE POLYMATIQUE ; Dictées normales des examens de l'Hôtel de Ville et de la Sorbonne, accompagnées de Dictées spéciales sur les difficultés orthographiques (1849), ouvrage très estimé à l'époque de son apparition, et dont, récemment encore, il faisait tirer de nouvelles éditions. Avant que le Spiritisme ne vînt populariser le pseudonyme Allan Kardec, il avait, comme on le voit, su s'illustrer par des travaux d'une nature toute différente, mais ayant pour objet d'éclairer les masses et de les attacher davantage à leur famille et à leur pays. « Vers 1850, dès qu'il fut question des manifestations des Esprits, M. Allan Kardec se livra à des observations persévérantes sur ce phénomène et s'attacha principalement à en déduire les conséquences philosophiques. Il y entrevit tout d'abord le principe de nouvelles lois naturelles : celles qui régissent les rapports du monde visible et du monde invisible ; il reconnut dans l'action de ce dernier, une des forces de la nature, dont la connaissance devait jeter la lumière sur une foule de problèmes, réputés insolubles, et il en comprit la portée au point de vue religieux.
« Ses principaux ouvrages sur cette matière sont : Le livre des Esprits, pour la partie philosophique, et dont la première édition a paru le 18 avril 1857 ; Le livre des médiums, pour la partie expérimentale et scientifique (janvier 1861) ; L'Évangile selon le Spiritisme, pour la partie morale (avril 1864) ; Le Ciel et l'enfer, ou la justice de Dieu selon le Spiritisme (août 1865) ; La Genèse, les miracles et les prédictions (janvier 1868) ; la Revue Spirite, journal d'études psychologiques,
Librairie Dentu, Palais Royal, où fut lancé Le Livre des Esprits le 18 avril 1857
Spiritisme de l'existence de l'âme et de la vie future tendent à la destruction des idées matérialistes et panthéistes. Un des principes les plus féconds de cette doctrine, et qui découle du précédent, est celui de la pluralité des existences, déjà entrevu par une foule de philosophes anciens et modernes, et dans ces derniers temps par Jean Reynaud, Charles Fourier, Eugène Sue et autres ; mais il était resté à l'état d'hypothèse et de système, tandis que le Spiritisme en démontre la réalité et prouve que c'est un des attributs essentiel de l'humanité. De ce principe découle la solution de toutes les anomalies apparentes de la vie humaine, de toutes les inégalités intellectuelles, morales et sociales ; l'homme sait ainsi d'où il vient, où il va, pour quelle fin il est sur la terre et pourquoi il y souffre. « Les idées innées s'expliquent par les connaissances acquises dans les vies antérieures ; la marche des peuples et de l'humanité, par les hommes des temps passés qui revivent après avoir progressé ; les sympathies et les antipathies, par la nature des rapports antérieurs ; ces rapports, qui relient la grande famille humaine de toutes les époques, donnent pour base les lois mêmes de la nature, et non plus une théorie, aux grands principes de fraternité, d'égalité, de liberté et de solidarité universelle. « Au lieu du principe : Hors l'Église point de salut, qui entretient la division et l'animosité entre les différentes sectes, et qui a fait verser tant de sang, le Spiritisme a pour maxime : Hors la charité point de salut, c'est-à-dire l'égalité parmi les hommes devant Dieu, la tolérance, la liberté de conscience et la bienveillance mutuelle.
« Au lieu de la foi aveugle qui annihile la liberté de penser, il dit : Il n'y a de foi inébranlable que celle qui peut regarder la raison face à face à tous les âges de l'humanité. A la foi il faut une base, et cette base, c'est l'intelligence parfaite de ce qu'on doit croire : pour croire, il ne suffit pas de voir, il faut surtout comprendre. La foi aveugle n'est plus de ce siècle ; or, c'est précisément le dogme de la foi aveugle qui fait aujourd'hui le plus grand nombre d'incrédules, parce qu'elle veut s'imposer et qu'elle exige l'abdication d'une des plus précieuses facultés de l'homme : le raisonnement et le libre arbitre. » (Évangile selon le Spiritisme). Travailleur infatigable, toujours le premier et le dernier à l'œuvre, Allan Kardec a succombé, le 31 mars 1869, au milieu des préparatifs d'un changement de local, nécessité par l'extension considérable de ses multiples occupations. De nombreux ouvrages qu'il était sur le point de terminer, ou qui attendaient le temps opportun pour paraître, viendront un jour prouver davantage encore l'étendue et la puissance de ses conceptions. Il est mort comme il a vécu, en travaillant. Depuis de longues années, il souffrait d'une maladie de cœur qui ne pouvait être combattue que par le repos intellectuel et une certaine activité matérielle ; mais, tout entier à son œuvre, il se refusait à tout ce qui pouvait absorber un de ses instants, aux dépens de ses occupations de prédilection. Chez lui, comme chez toutes les âmes fortement trempées, la lame a usé le fourreau. Son corps s'alourdissait et lui refusait ses services, mais son esprit, plus vif, plus énergique, plus fécond, étendait toujours davantage le cercle de son activité. Dans cette lutte inégale, la matière ne pouvait éternellement résister. Un jour elle fut vaincue ; l'anévrisme se rompit, et Allan Kardec tomba foudroyé. Un homme manquait à la terre ; mais un grand nom prenait place parmi les illustrations de ce siècle, un grand Esprit allait se retremper dans l'infini, où tous ceux qu'il avait consolés et éclairés, attendaient impatiemment sa venue !