UNE OPINION POLITIQUE
MARS 1875
J’ai été appelé par une pensée secrète, je réponds ; mais je ne puis plus répondre avec la plénitude de mes opinions passées, car les opinions de la terre se modifient avec le grand passage !
Qu’est-ce que cette vie dont l’humanité fait si grand cas ? — Des hauteurs de la vie spirituelle : fumée !
J’étais, j’allais dire: je suis légitimiste ! J’ai soutenu toute ma vie les colonnes tremblantes de ce droit divin, parce qu’en mon âme et conscience, je croyais, je crois encore, qu’une main, qu’une tête, qu’une âme doivent conduire et diriger les peuples !
Disons les choses comme on les dit sur la terre ; si plusieurs mains veulent tenir les rênes, le char de l’Etat n’ira pas loin sans verser, pourtant je vous dit aujourd’hui: Trouvez-moi un homme digne par son mérite, grand par ses vertus civiques, supérieur à tous par sa vie, et je vous répondrai en vous engageant à lui donner la couronne, quel qu’il soit.
Je ne crois pas la France, je ne crois pas même la terre assez mûre, assez sage, assez bonne, je ne crois pas les peuples assez intelligents, assez avancés pour leur confier cette foudre que vous appelez le pouvoir.
Cette manière de voir peut n’être pas générale, mais je m’autorise de ma liberté d’Esprit pour vous dire sans crainte aucune et fermement toute ma pensée.
J’admire la République, mais c’est une fleur qui n’est point encore acclimatée aux rigueurs
terrestres !
Berryer.
COMMUNION PASCALE
MARS 1875
Tout le monde a fait la fête, fête religieuse, fête de famille, et vous n’êtes point encore venus, vous, mes enfants, chercher près de nous avec la nourriture spirituelle la consolation et les forces ; pourtant, n’êtes-vous pas nos disciples, et en retour de votre bonne volonté, en retour de votre foi constante ne vous devons-nous pas, nous, vos appuis, nous, vos meilleurs amis, ce bonheur très grand symbolisé par la communion pascale ?
Je viens, comme toujours, répandant sur ces fluides qui dégagent une âme et l’élèvent vers Dieu.
Qu’est-ce que la communion pascale ? Pour vous, spirites, c’est la réunion des forces en une même pensée fraternelle, c’est votre foi si simple, si grande, une toujours !
La communion pascale, mes enfants, c’est la satisfaction intime que nous allons donner à chacun de vous en lui disant : « marche, continue, tu connais ton devoir, tu es dans le vrai, tu vas vers Dieu ! »
Un guide.
ON NE PEUT SERVIR DIEU ET MAMMON
AVRIL 1875
« Quittez tout et suivez-moi ! » Lorsque Jésus adressait ces paroles aux humbles pêcheurs de la Galilée, il ne s’adressait pas seulement à ceux-là, car les apôtres ne sont pas autre chose que la personnification de la famille humaine. Or, quelle était la pensée du Christ en leur adressant les paroles que je viens de citer ?
Voulait-il leur dire : « laissez-là vos travaux, laissez-là vos familles ?.. » Non, je ne crois pas !
Mais je suis certain que ce maître si doux s’adressant à ceux-là et à tous disait : « quittez cette vie aux habitudes grossières, jetez loin de vous votre égoïsme, votre matérialité, rompez ces attaches passionnées qui obscurcissent votre vue spirituelle et suivez-moi ! Suivez-moi vers la patrie des âmes où se trouve, avec la vérité, la connaissance de toute chose ; où se trouve, avec la pratique des vertus, le bonheur ; où se trouve, après l’accomplissement du devoir, la liberté ! Quittez, quittez tous ces sentiments fangeux couverts des boues terrestres ; quittez les idées étroites en développant votre intelligence, en augmentant votre savoir par le travail et l’étude ; dépouillez votre esprit de tout ce qui n’est pas pur, faites-le sortir de l’asservissement des vices et suivez-moi dans les mondes de la pensée, dans les temples de l’idéal où tout est grandeur, lumière et beauté ! Quittez votre esclavage, brisez vos chaînes et suivez-moi vers Dieu ! »
Voilà ce que disait Jésus à ses apôtres et voilà ce que je dis en son nom à tous les hommes, mes frères !
Lacordaire.