SOYEZ PARFAITS COMME MON PERE EST PARFAIT
JUILLET 1874
OEuvre de dévouement parfait, oeuvre d’aplanissement, oeuvre de lumière, oeuvre de guérison, voilà ce qu’il faut faire du spiritisme.
Vous, qui voulez entrer dans cet étroit sentier, souvenez-vous toujours qu’il faut laisser à l’entrée tout amour de soi-même. Seulement, sachez aussi que sous cette rude tâche la force est cachée, car tout être qui embrasse avec ardeur la cause de la vérité trouve en lui, les rayons et les forces vives.
Oui, mes enfants, oui, vous souffrirez encore, mais vous saurez vous élever assez pour mettre votre pensée au-dessus des assauts de la matière ; oui, vous pleurerez quelquefois mais vous serez, je l’espère, assez détachés pour que vos larmes soient séchées par le feu du fraternel
amour.
Le dernier mot de la perfection c’est le dévouement, et toujours, jusqu’à ce qu’elles soient comprises et pratiquées, nous vous répèterons ces paroles. Sur cette terre qu’entend-on généralement par ce mot perfection ? — Une bonté souvent très relative, un dévouement très restreint, qui consiste surtout à bien faire pour se sauver, pour être heureux soi. Une religion facile à pratiquer qui évite le travail de la pensée et empêche l’exercice de la raison, qui endort, qui paralyse un grand nombre d’aspirations hautes et nobles, une religion d’usage et, trop souvent hélas, un vernis dont on se couvre pour éviter la réprobation générale.
Mais telle n’est point la perfection, tel n’est point même le devoir d’un esprit éclairé. Suivant nous, tout sentiment grand, pur et saint doit se montrer, toute aspiration sublime doit être mise au jour, tout progrès doit être accompli, toute lumière doit être élevée !
S’aimer, se pardonner toujours, se soutenir mutuellement sans cesse, donner en tout l’exemple de la sagesse, de la justice, de la bonté, voilà quelle doit être la règle de conduite du vrai spirite ; voilà la vie après laquelle il trouvera toutes les satisfactions qui sont la conséquence du devoir rigoureusement et saintement rempli ; voilà la vie qui ouvrira à l’exilé les portes de la patrie, voilà comment sera opéré l’affranchissement complet de son esprit.
Quoiqu’il vous en coûte, il faut arriver là, marchez donc !
Lamennais.
POURQUOI VOUS PLAIGNEZ- VOUS ?
JUILLET 1874
Je me demande pourquoi vous vous plaignez constamment de la vie ô gens de peu de foi et de peu de courage !
Comment, vous vous plaignez de souffrir, mais la souffrance n’est-elle pas l’avant-coureur de la jouissance et son complément obligé ?... La jouissance qui n’a été précédé d’aucune souffrance est comme un beau fruit qui n’aurait aucune saveur, comme une très belle fleur qui n’aurait aucun parfum !
Pour jouir véritablement, il faut que les sensations aient été éveillées par la privation. Ne vous hâtez donc pas trop de désirer la fin d’une vie qui n’est après tout que la préparation au bonheur, car les mille petites souffrances dont elle est émaillée seront pour vous, dans la vie qui suivra, le sujet de mille comparaisons et par conséquent de mille jouissances exquises !
Je ne viens point cependant vous exhorter à couvrir vos aspirations, vos passions même, de ce manteau de glace qui éteint le sentiment et amène l’indifférence. Au contraire, je vous dis : aiguisez vos passions en les dirigeant bien ; ravivez, épurez vos sentiments, dussiez-vous même pour un moment rouvrir un peu vos blessures ; mais je vous dirai aussi : exaltez-les de manière à ce que la boue ne les atteigne pas ! Vous vous plaignez, et je vous trouve heureux... Pour la terre, le bonheur consiste encore à désirer beaucoup ; or, soyez francs, que ne désirez-vous pas ?...
Les jours de la vie passent vite, le jour de l’éternité ne finit pas ; désirez donc beaucoup pendant les courtes journées, travaillez ferme, poussés par cette ambition, afin d’être exaucés et d’avoir la possession, la réalisation de vos désirs pendant la journée éternelle !
Amis, je vous fais mes adieux, je vais bientôt venir désirer avec vous ! Ne me plaignez pas, mais aimez-moi un peu et pensez quelquefois à celui qui fut, de l’autre côté de la tombe, votre ami.
H. Heine.
PREPARATION A LA VIE SPIRITUELLE
AOUT 1874
Nous avons devant nous un panorama splendide, élevons-nous, planons comme l’aigle et voyons ce qui s’offre à nos regards !
C’est d’abord un terrain vague, triste, inculte ; une pauvre terre qui réclame le défrichement, les labours, l’engrais !
Voici de jeunes forêts, des arbustes frêles encore et que balancent à leur gré tous les vents ; là, les oiseaux construisent déjà leur nid, les fleurettes poussent à l’ombre des jeunes cimes ; là, les rayons du soleil passent à travers les feuilles et répandent la gaîté ! A part, quelques arbrisseaux chétifs, rabougris, déviés, tout est promesse, tout est sourire... illusion peut-être !
Le paysage se découvre, la perspective s’élargit et nous voici à des champs bien cultivés, nous voici à la beauté du travail ! Ce sont des épis dorés qui se balancent, entrelacés aux folles fleurs de l’été ! Ce sont les vignes luxuriantes, portant avec peine le poids des grappes vermeilles ! Ce sont les arbres aux épais ombrages et les arbres aux fruits délicieux ! C’est l’abondance, c’est le travail, c’est le progrès ! Cependant, de loin en loin et séparant les uns des autres ces fertiles vallons, nous trouvons, soit une forêt noire, épaisse et sombre, remplie d’épines, une forêt qu’il faut traverser les pieds dans la boue car les rayons n’y pénètrent pas, et en se frayant un chemin parmi cette végétation échevelée ; soit une arête de rochers gris et dénudés du haut desquels le regard plonge au fond du gouffre; soit un cours d’eau qu’il faut traverser; soit une montagne qu’il faut gravir ; soit un impétueux torrent qu’il faut franchir.
Loin, bien loin, après avoir retrouvé plusieurs fois toutes les choses que je viens de vous décrire, on découvre enfin la cité enchanteresse qui offre au voyageur après son long parcours toutes les joies qu’il a si longtemps désirées ; mais il ne peut y arriver qu’après avoir travaillé dans les terrains vagues et élagué la jeune forêt après avoir fécondé par son travail les champs et les jardins, après avoir dans la forêt sombre, tracé un chemin pour lui et ceux qui le suivent, après avoir, sans vertige, suivi la crête des rochers, après avoir jeté sur le cours d’eau un pont facile et commode, après avoir, sans indolence, gravi les hautes montagnes et, sans hésitation, sans peur, franchi l’impétueux torrent ! Seulement alors, il arrivera à cette belle et large route ombragée et plane, tapissée par les mousses les plus élégantes, et si droite qu’elle lui permet d’apercevoir au loin le pays si longtemps désiré, sa chère et splendide patrie !
Il verra aux rayons empourprés du soleil couchant se dorer les flèches des temples et les dômes des palais ! Il entendra au loin des échos harmonieux, il pressentira et goûtera par avance les joies attendues !
Homme, voilà ta vie, voilà l’histoire de ton voyage depuis l’éclosion de ton âme jusqu’à son perfectionnement ; voilà les dangers, les travaux, les fatigues qui t’attendent, mais console-toi, ta lassitude sera la preuve des lourds travaux accomplis, des passages pénibles, des difficultés franchies !
Homme, souviens-toi qu’après avoir épuisé la coupe des douleurs, l’esprit saisit la coupe des jouissances, que la première s’achève toujours, mais que la deuxième ne se finit jamais ! Seulement, souviens-toi, qu’il faut que la première soit vide pour que la seconde renferme tous les parfums, toutes les douceurs, toutes les forces qui donnent la vie spirituelle et la liberté !
Edgar Poe.