PRECHEZ PAR L’EXEMPLE
JUIN 1874
Le chemin que doit parcourir l’esprit pour arriver à son but est bien long ! Esprit ici signifie âme, car si nous prenions le mot esprit dans son sens absolu nous vous parlerions un langage que vous ne pouvez comprendre.
Qui dit esprit dit un rayon sorti du divin soleil ! Esprit, atome de perfection les contenant toutes en germe ; esprit substance indéfinissable.
Si nous étudions l’âme à son principe et dès son commencement, je ne crains pas de m’avancer trop en vous disant qu’elle a subi, comme tout ce qui est créé, tous les genres de transformations. Chaos, poussière, minéral, plante, etc.…, tout, mes frères, elle a passé par tout ; eh bien, malgré cela, j’ose le dire, l’esprit humain ne fait que commencer, ses pérégrinations spirituelles, car il est bien plus facile d’assembler, de dissoudre, de refaire, de perfectionner ce que vous appelez matière que de parfaire ce que vous appelez esprit.
Que d’ascensions plus ou moins longues, que de voyages pénibles pour « intelligenter » cette parcelle spirituelle ! Que de chutes, que de pas, que de souffrances avant d’avoir gravi seulement cette perfection terrestre, symbolisée par le calvaire que le modèle a sanctifié et pour ainsi dire déifier !
Sont-ils bien nombreux sur votre terre les esprits qui marchent délibérément en portant courageusement leur croix, ou même en la supportant avec résignation ?... — Non ! Il en est peu
et pourtant tous devront le faire ! Aussi faut-il que le peu d’aujourd’hui entraîne la masse, il faut que cette humanité trouve le bonheur en accomplissant le progrès !
Spirites, puisque vous voulez vous dévouer, modelez-vous vous-mêmes, faites vos esprits si beaux, si bons qu’ils exercent une attraction irrésistible. Le secret du progrès c’est l’harmonie, c’est l’union qui rend invincibles et forts ! Un seul fluide, une seule prière, une pensée montant à Dieu, voilà le moyen de la puissance !
Vous avez la foi, la certitude, la conviction entière d’être dans le vrai, que vous faut-il de plus ?... — Une chose : vous aimer !
Augustin.
LE DETACHEMENT DES CHOSES MATERIELLES
JUIN 1874
Jésus lui dit : « prenez cette eau, elle vous donnera la vie éternelle ! »
Mes frères, la Samaritaine était tombée plusieurs fois ! J’explique ces paroles. Cette Samaritaine c’est votre âme avec ses passages successifs par l’existence matérielle et ses chutes. Depuis combien de temps vivez-vous ? Quel est le nombre de vos incarnations terrestres ?... A quelle époque avez-vous rencontré le Messie appuyé sur les bords du puits de Jacob et vous offrant l’eau de l’éternelle vie ?...
Mes frères, Christ c’est la vérité, depuis quand la cherchez vous ?...
L’existence actuelle n’est pas votre premier voyage, et déjà vous avez goûté cette eau pure et merveilleuse. Déjà le regard divin vous a transformés, ébranlés, mais comme la pauvre Samaritaine, doutant encore, vous avez hésité avant d’entrer dans cette voie rude et difficile à ses commencements, mais qui pourtant mène au bonheur parfait.
Cette eau rendue divine et miraculeuse par un seul acte de la volonté du maître, cette eau, dis-je, c’est la facilité du dégagement ; (ici dégagement ne veut pas dire faculté médianimique), mais dépouillement de tout attrait matériel, il veut dire travail, douleur même et dévouement pour arriver à trouver par tous les moyens, à chercher par toutes les voies cette vérité absolument pure et simple.
Aujourd’hui, bien mieux qu’autrefois, vous appréciez le don qui vous fut fait ; aujourd’hui vous vous affermissez dans vos convictions, vous dissipez les nuages autour de vous et vous préparez le grand travail de l’avenir.
Ce qui vous le rendra facile, ô mes frères, ce qui vous aplanira les difficultés, ce qui vous sera la force, c’est le grand amour incompris encore et pourtant déjà prêché par le Christ ; le remède efficace et puissant destiné à soulager toutes les souffrances, c’est cet amour fraternel qu’il indiquait aux faibles représentés par la Samaritaine pour les aider à se relever de leurs chutes.
Aimant vous aurez tout et vous pourrez tout ; vous dévouant vous aurez la force attractive et vous servirez de guides !
Lacordaire.
AVANT DE LACHER LES RENES, EDUQUEZ LE PEUPLE ET PRECHEZ PAR L’EXEMPLE
JUIN 1874
Messieurs, je fais comme vous, j’étudie, je cherche dans le passé les leçons pour l’avenir !... —
Dans le Moyen-Âge vaincu par nous, je trouve la compression, l’absolutisme trônant, je trouve l’abus de la force, le devoir effacé par ce que l’on croyait le droit !
II nous faut considérer l’abus comme un bienfait puisqu’il a forcément amené la réforme.
Au temps moderne en se rapprochant des époques actuelles, je trouve encore l’abus mais sous une forme moins grossière ; je trouve en examinant bien, une partie du peuple assise et l’autre à genoux.
Il est vrai de dire que le talon de botte ne se repose plus tout à fait sur la tête du serf, mais je trouve néanmoins deux castes bien tranchées et encore bien éloignées l’une de l’autre.
Un jour, un ouragan terrible nivela toutes les positions sociales couchant l’arbre généalogique à côté du brin d’herbe ; réforme sociale aussi utile que la réformation religieuse, mais réforme insuffisante et inachevée, pourquoi donc ?... Voilà, mes amis, la question que je veux étudier avec vous.
Il ne s’agit pas seulement de dire à un peuple en brisant ses entraves : « tu vas être libre ! »
Avant de faire sortir le lion de la forêt vierge, ne faut-il pas qu’il soit dompté, calmé par une espèce d’éducation ?... Ne faudrait-il pas d’abord dire à ce peuple abruti par des siècles de servitude : « élève-toi, travaille, dépasse en intelligence et en génie ce qui veut t’écraser, empêche ton abaissement par la hauteur de tes vertus et puis, fais un pas, marche à la liberté !!! »
Hélas, il faut le reconnaître, nous avons été téméraires, nous avons été orgueilleux ; nous nous sommes cru des titans et nous n’étions que des pygmées ! Nous avons parlé de la fraternité, que nous ne comprenions pas, avant d’avoir retranché la haine ! Nous avons fait de cette fraternité un mot et non une vertu civique ! Aussi notre édifice mal construit n’a conservé que ses fondations qui sont divines !
Mieux instruits par l’expérience, nous sommes aujourd’hui moins fougueux qu’alors ; nous comprenons bien que ce n’est que par un travail pénible et lent qu’une nation se transforme. Avec des discours on électrise les peuples, c’est vrai, on pousse les armées à la victoire, c’est vrai encore, mais cela ne suffit pas pour faire des citoyens.
A cette place que nous avons orgueilleusement occupée, à la tête de cette nation intelligente jusque dans ses moindres fibres et destinées à servir d’étoile, il aurait fallu des modèles, et à part quelques rares exceptions nous n’avons été que des orgueilleux, des ambitieux, des fanatiques ou des trembleurs !
Les jugements de l’histoire tout sévères qu’ils soient ne le sont pas encore assez, car lorsqu’on se croit assez fort pour tenir un drapeau on doit laisser complètement de côté son soi-même et ses passions !
Je rends justice et honneur aux institutions que nous avons fondées, quoique imparfaites encore elles étaient un pas immense vers le progrès, c’est la base dont je parlais et qui durera éternellement. Malheureusement, l’édifice n’a pas été agrandi !
A ces intelligences alourdies par la compression, engourdies par la main glacée du préjugé nous n’avons pas su donner le réconfortant et le réchauffant : la foi ! Nous leur avons bien dit : « ne croyez plus aux absurdités d’un autre âge » mais nous ne leur avons pas donné en échange l’appui solide de la vérité ! Nous avons pris ces esprits enfants, et au milieu de la nuit nous leur avons dit : « marchez seuls », sans leur avoir donné le moyen de sortir de l’obscurité, le flambeau qui leur était indispensable pour se bien conduire.
Nous leur avons dit : « vous êtes frères, tous les hommes le sont ! » Et nous avons proscrit de leur pensée le nom même de celui qui fut le premier apôtre de la fraternité et de la liberté !
Nous leur avons enseigné le culte de l’Etre suprême, mais nous n’avons pas su, mieux que ceux qui avaient passé avant nous à leur tête, leur montrer l’exemple de la concorde, de l’austérité, du devoir ! Nous avons hélas beaucoup parlé et très peu agi.
Cependant, tous les principes qui se fondent, toutes les réformes qui s’opèrent, toutes les philosophies qui s’implantent, ont besoin pour germer, grandir et fleurir d’être soutenus par la foi.
La leçon du passé ne sera point perdue, et après nous être suffisamment modifiés nous reviendrons montrer la pratique des théories que nous avons enseignées. Sans restreindre en aucune manière mon point de vue, si je peux ce soir vous faire l’application de ces quelques paroles, je vous dirai spirites, que vous aussi vous êtes placés en tête, que vous devez complètement oublier que vous êtes des hommes pour vous dire sans cesse que vous êtes l’incarnation de votre doctrine. Que vous ne devez pas vous inquiéter de l’éclat plus ou moins grand que vous projetez autour de vous, mais bien plutôt du rayon doux et timide qui doit ranimer, réchauffer et attirer à vous !
Mirabeau.