L’OUTIL DU PIONNIER
NOVEMBRE 1874
Mes enfants, votre médium a été attiré vers un monde tout pétri d’amour ! Là tout brille sans fausse gloire, tout est suave et doux, tout plait, tout charme !
Que faudrait-il donc pour que sur la terre les larmes devinssent des perles ?... Que lui faut-il pour que les jours soient ensoleillés et les nuits toujours étoilées, pour que tout s’apaise et pour que les grandes vertus surgissent de l’excès même des passions ? Que lui faut-il à cette humanité, enfant prodigue de la création !
— Rien et tout !
Rien, car ni les renversements, ni les bouleversements ne lui sont nécessaires ; rien, car tous les résultats doivent être obtenus par des moyens pacifiques : rien, c’est-à-dire : point de tempêtes, point de ces ouragans terribles qui enlèvent tout espoir, point de ces rafales épouvantables qui déracinent les vieux chênes et brisent la tige des fleurs !
Rien, car c’est doucement, petit à petit, que le bonheur doit remplacer la douleur ; c’est sans colère que le flot doit descendre, c’est avec calme que les grands arbres doivent relever leurs branches !
Rien, par conséquent, point de fureurs, point de cris, point de blasphèmes, point de crimes contre la loi d’harmonie et de fraternité !
Tout !... C’est-à-dire la lumière d’abord ! Non la lumière foudroyante, non l’éclair, mais le doux foyer, mais la lampe sage et modérée du travailleur !
Tout, c’est-à-dire la foi ! Non la foi qui courbe, mais la foi qui relève ; tout, avec la raison, avec la volonté, non avec la raison orgueilleuse ou la volonté égoïste, mais avec la raison simple et studieuse, avec la volonté franche, droite, ferme et dévouée.
Tout, c’est-à-dire le sentiment qui fait la vie, le sentiment plus fort que toutes les résistances, le sentiment qui crée les univers et perfectionne les humanités, tout, c’est-à-dire l’amour ! Non l’amour qui abaisse, non l’amour terre à terre, mais cette émanation de la divine perfection, de cette beauté, de cette bonté sans égale qui en créant l’esprit lui donne la possibilité de tout comprendre et de tout conquérir !
A votre humanité dégénérée ou que vous croyez telle, à votre monde envahi par le flot tumultueux, il faut un vainqueur, il faut un sauveur. Ce sauveur se nommera : fraternité et ce qui vous l’amènera, c’est la foi libérale, tolérante, c’est la conscience délivrée et la libre pensée.
Le sentiment d’une commune souffrance rapprochera tous les êtres, l’union dans la douleur amènera la communion de pensées ; la solidarité, le dévouement suivront, et après eux la fraternité et la paix !
Vous, qui avez la certitude de l’avenir et du bonheur futur, soutenez la foi qui chancelle, ramenez au droit sentier les raisons qui s’égarent, ranimez, réchauffez au contact du foyer qui est en vous ; aimez, oh ! Aimez, mes enfants, le secret du bonheur est là !
Fénelon.
LE SOUTIEN SUPREME
DECEMBRE 1874
Il faudrait ôter de vos yeux cette espèce de prisme noir qui vous fait constamment voir le mal. Le mal, nous vous l’avons déjà dit, n’est qu’un état transitoire où l’esprit se trouve.
Vous ne pouvez pas aimer Dieu, dites-vous, est-ce donc par crainte que vous le priez ?... Vous ne pouvez pas aimer Celui qui, parfait, vous veut parfait ?
Vos douleurs ! Comment pouvez-vous parler de vos douleurs, hommes à courte vue ?... La chrysalide se plaint-elle de cet état pénible qui transforme l’animal immonde en gracieux papillon ? La graine se plaint-elle lorsque enfouie sous le sol sa forme charmante s’atrophie ?
Quelle est la créature qui ne passe pas par toutes les douleurs, toutes les lenteurs de la transformation et quelle est celle qui se plaint, quelle est celle qui se révolte contre la loi immuable ?...
Ne pas pouvoir, ne pas savoir aimer Dieu, oh ! Qu’avez-vous dit ?
Dieu qui, par son divin rayonnement, ses attractions irrésistibles, amène l’esprit à ses destinées.
Ne pas aimer Dieu quand on peut contempler une de ses oeuvres et presque entrevoir le parfait chef-d’oeuvre de la création, quant à chaque instant et de toute part vous arrivent les échos de la grande harmonie, quand les rayons vous environnent, quand les voix de la patrie se font entendre à votre simple appel ?...
Oh ! Vous avez mal exprimé votre pensée, car vous aimez Dieu, et non seulement vous l’aimez, mais vous commencez à comprendre cette infinité, cette réunion de perfections. Vous aimez Dieu, obéi par les mondes et répondant aussi à une pensée isolée ! Dieu maniant de sa main puissante la création tout entière et s’inclinant cependant pour recueillir dans cette même main, une larme de pitié, une larme de repentir rapportée près de Lui par un de ses anges !
Dieu, donnant au génie la pensée et à l’animal l’instinct ! Dieu possédant tout et donnant toujours !
Oh ! Oui, vous aimez Dieu qui vous éclaire, vous aimez Dieu qui fait rayonner sur vous les idées généreuses qui vous transportent ! Vous aimez Dieu, et vous, petits, vous vous abîmez dans sa grandeur !
Si malheureuse que soit une créature, si désespérée que soit une âme, le jour où elle trouve Dieu, elle est sauvée !
Après l’effervescence des passions, après les cris de haine et les jours de douleur, Dieu refuge et soutien !
Avec les premiers rayons, aurore de science, lueurs des vertus, précurseurs des libertés, Dieu encore. Dieu toujours !
A l’esprit qui commence sa gravitation, Dieu perspective sublime ; à l’esprit qui la termine, Dieu, récompense éternelle !
Bernard.
SPIRITES, PREPAREZ LES VOIES DE L’AVENIR
DECEMBRE 1874
Sur une place de la ville de Constance, un homme est sur le bûcher ; la foule furieuse lui jette des malédictions et des injures, la foule stupide, aveugle, qui crie au scandale parce qu’un homme lui a tendu la main.
L’homme sur le bûcher regarde cette foule avec pitié, commisération mansuétude, ce n’est pas
lui-même qu’il plaint, c’est elle !
La foule c’est l’enfant dans l’humanité, elle a l’ingratitude de l’enfance, son ignorance et son peu d’expérience ; aussi, quel est le réformateur, quel est l’homme venant sur terre avec la mission d’amoindrir la misère ou d’apporter le bonheur, quel est l’homme donnant à la cause humanitaire son travail et son dévouement, qui n’a pas subi les outrages de cet enfant ingrat qui s’appelle le peuple, et pour lequel il travaille ? Quel est, parmi ceux-là, celui qui n’a pas reçu cette espèce de baptême indispensable aux esprits dévoués ?
A l’époque dont je vous parle et autour du bûcher de Jean Huss, c’était la boue, les pierres, les injures qui pleuvaient sur le martyr. Passons s’il vous plait sur quelques siècles.
Dans un petit appartement de la rue Sainte-Anne, un homme est courbé sous une avalanche de lettres, de brochures ; il n’est plus sur un bûcher, c’est vrai, mais abîmé par la calomnie, assailli par la critique, et surtout par les critiques de sacristie, cette critique nauséabonde qui monte au gosier et essaie de vous étouffer, couvert de ces pierres morales, jetées par l’envie et qui se nomment le ridicule, blessé par la raillerie injuste, ignorante, cet homme pourrait presque regretter l’ancien bûcher de Constance, où la foule qui l’environnait, sauvage, mais franche dans sa haine, lui inspirait miséricorde et pitié.
Ces quelques mots de retour vers le passé d’un homme que vous avez connu et que tous les spirites doivent bénir, vous sont adressés pour vous prévenir contre les attaques qui pourraient bien un jour ou l’autre vous arriver du dehors.
Je ne viens pas cette fois vous proposer pour modèle le Christ, esprit supérieur, mais un esprit de votre époque, ayant vécu dans les mêmes conditions que vous, et étant arrivé grâce à sa volonté patiente, persévérante, grâce à son dévouement absolu à la grande cause, grâce à sa douceur ferme, à son jugement sain et éclairé par une étude approfondie, étant arrivé, dis-je, à construire pour vous, spirites, le temple désormais inébranlable de vos croyances.
Cet esprit, très bon, toujours dévoué, s’occupe déjà du moment où il reviendra pour la troisième fois apporter une pierre au jeune édifice de la religion universelle à venir. II compte pour l’aider dans cette troisième tâche, sur les voies que vous, ses disciples, vous êtes chargés de préparer à son oeuvre.
Sa devise, vous le savez, spirites, c’était : « travail et dévouement » à vous donc de l’adopter aussi, et d’aplanir pour l’avenir les difficultés du présent. A vous à apporter à cette oeuvre sainte tout ce que vous aurez de foi, de volonté ; à vous à établir, à cimenter entre vous tous l’union la plus compacte, cette Union qui centuple les forces ; à vous à aimer malgré ses torts, malgré ses fureurs, malgré ses injustices, cette humanité qui est vous-mêmes.
Cette humanité, c’est le malade criant sans cesse et injuriant le chirurgien qui le panse, plus ses plaies sont vives, profondes, plus l’instrument lui semble dur !
Vous irez donc, vous confiant dans la bonté et la grandeur de votre cause, montrant à tous ce que peut faire un homme convaincu de la nécessité du travail sur lui-même, convaincu de la marche constante du progrès, convaincu de l’immortalité et de la perfectibilité de l’âme. Vous irez, donnant à tous l’amour de votre coeur, et à l’exemple de celui qui vous a précédés, le travail de votre pensée. Vous irez, quoiqu’on dise autour de vous, vous aimerez parce que l’amour est la vie spirituelle.
De l’amour mutuel naîtra la lumière, de la lumière sortira la vérité, de la vérité l’union des peuples, de l’union des peuples la liberté, et de la liberté la paix et l’éternel bonheur.
Lavater.