AVRIL 1874
« Il y a plusieurs demeures dans la maison de mon Père ! »
Je reprends cette citation, et je demande : pourquoi et quelles sont ces différentes demeures ?... Vous avez dû vous l’expliquer, spirites, par les différents passages de l’étincelle animique et par les différents degrés de l’élévation des âmes !
Dans les premières demeures, sur cette route de progrès qui mène à la perfection, les petites vertus suffisent. N’être point mauvais, être inoffensif, voilà la première étape.
Etre bon, voilà la seconde.
A la troisième, l’esprit commence à entrevoir la possibilité des grandes vertus. Il sait que le mot foi ne veut pas dire : crédulité ; il sait que le mot charité ne veut pas seulement dire : aumône, et ses aspirations lui montrent sous le mot foi : vérité et science ; sous le mot charité : dévouement et fraternité !
C’est déjà quelque chose, mais il y a mieux encore ! Il y a le moment béni où, après avoir senti l’influence des rayons divins, l’âme inondée de clarté achève sa route de progrès et entre pour n’en plus sortir jamais dans celle de la perfection !
C’est le moment choisi par l’esprit pour mettre en pratique les vertus comprises.
C’est le moment de Dieu ! C’est l’heure où ayant dépouillé toute attache matérielle l’esprit sait ce qu’il doit faire.
Il acceptera alors dix, vingt, trente incarnations s’il le faut pour être à chacune d’elles l’un des martyrs, l’un des propagateurs, l’un des soutiens de la vérité !
Il multipliera son dévouement jusqu’à l’abnégation la plus complète, ne comptant même plus une incarnation triste et sans attraits ; travaillant, donnant sa pensée à toute minute, à toute heure, tous les jours ; répandant l’idée régénératrice par toutes ses paroles et par tous ses actes ; semant autour de lui, la pensée vraie, et plus tard, fondant l’avenir par des oeuvres de génie !
Humble, petit, se mêlant à la foule, mais la dominant par la grandeur du sentiment. Voilà pour la terre la dernière étape, et cela n’est que l’aurore, le petit commencement des grandes vertus.
Ne vous plaignez donc points spirites, si pour entrer dans cette voie vous souffrez quelquefois, les abords en sont difficiles, c’est vrai, mais lorsque l’âme y est entrée, elle se trouve à l’aise, et plus on va, plus le chemin devient large !
Amour universel, voilà votre mot d’ordre ! Il vous donnera accès dans les autres demeures dont je ne vous parle pas aujourd’hui et qui sont les mondes de science presque parfaite, de bonheur et de liberté !
Egmont.
LE LIBRE ARBITRE
AVRIL 1874
« In scha Allah ! » Si Dieu le veut.
Remarquez mes chers amis, combien sont fatalistes les religions à l’état d’enfance.
« Si Dieu veut, je partirai demain » dit l’arabe, Brahama, fais que mon champ prospère, dit l’indou prosterné aux pieds d’une horrible statue qui lui représente son Dieu !
Dieu ! Mot qui n’a de traduction dans aucune langue ! Dieu ! Qui signifie bonté, indulgence, beauté, perfection ! Dieu, invoqué par les uns pour attirer la foudre sur la tête d’un ennemi, par les autres pour conduire aux obscurités de l’ignorance une nation entière qu’ils appellent troupeau.
Dieu, Créateur et Père, invoqué comme bourreau, comme tourmenteur, et tout cela parce que les idées sont trop peu avancées pour permettre à l’esprit de s’élever assez pour comprendre la divinité dans tout son rayonnement.
Plus la croyance se détache de la matérialité pour entrer dans la région spirituelle, plus elle montre à l’homme étonné qu’il est l’esprit libre dans son essence, et possédant pour premier apanage le libre exercice de ses facultés et de sa foi.
Le libre arbitre, la conscience, premier guide de l’esprit, l’amenant à mériter, à gagner la récompense la plus enviable : le pouvoir ou plutôt la possibilité du dévouement !
Spirites, laissons au temps le soin de couvrir le passé de ses voiles, et élançons-nous vers l’avenir portés sur les ailes de la foi solide et de la radieuse espérance ! Appuyés que nous sommes sur les piliers de la raison, nous ne craindrons pas comme Icare de passer le détroit.
Passons-le donc ce détroit ! — C’est le vieux préjugé, le fatalisme abrutissant qui malgré nous, a laissé quelques racines au fond de notre âme. Ces racines seront extirpées sans trop de peines avec la volonté ferme de monter à la source de tout bonheur, de toute liberté, à Dieu.
Merci, à la Cause de notre dégagement, à ce Dieu juste et bon qui nous fait forts aujourd’hui, qui nous fera grands demain ! Nous avons notre libre conscience qui nous cuirasse contre les nombreuses morsures du vulgaire s’agitant autour de nous, notre conscience calme nous disant : tout est bien ! Lorsque nous avons donné de grand coeur une part de nous-mêmes à ce qui souffre, à ce qui prie, à ce qui attend !
Spirites, lorsque par la volonté spirituelle vous vous élèverez bien haut, vous verrez se développer à vos yeux comme un vaste panorama. Vous verrez non plus la terre matérielle, mais l’humanité spiritualisée.
Vous verrez ce qui est fait par elle et ce qui lui reste à faire. Vous verrez avec joie que si beaucoup de travail, beaucoup de dévouement vous sont demandés, c’est qu’il doit en résulter un jour beaucoup de bonheur et la prospérité complète !
Les premiers pionniers qui vont porter dans les contrées sauvages la civilisation et l’industrie, deviennent un jour les saints vénérés du nouveau monde qu’ils ont fondés !
Pionniers, persévérance et courage, vous aurez, c’est vrai les durs commencements, vous aurez le travail fatigant de la journée, mais, vous aurez après, le doux repos et les fruits délicieux de vos oeuvres.
Vous n’aurez plus à dire: « Dieu le veut ! » à propos des minimes événements de votre existence. Vous avez à vous écrier sans cesse : je veux bien faire, je veux donner pour le bonheur général, pour l’émancipation du monde et l’affranchissement des consciences, les forces que Dieu me confie ! Vous avez à vouloir ardemment le progrès, vous avez surtout à vouloir assez pour
réussir !
Egmont.
LE RENDEZ-VOUS DES SPIRITES
AVRIL 1874
Chers amis, chers spirites, je serais tenté de vous plaindre si je ne voyais au bout de toutes vos douleurs une grande satisfaction.
Voyons, secouez vos manteaux, laissez sur terre toutes vos dépouilles de misères, de contrariétés, de soucis ! Revêtez le vêtement fluidique, et venez avec moi, partons !
Cherchons, si vous voulez, dans l’espace un point où nous soyons bien calmes, bien à l’abri de toute passion humaine, suivez-moi sans crainte, je vous mène en bonne compagnie.
Nous trouvons un petit monde peuplé d’habitants qui vous ressemblent beaucoup, et même en cherchant bien, si nous pouvions écarter quelques voiles, nous retrouverions là des figures qui ne nous seraient point inconnues.
C’est un monde d’étude, un monde de jouissances, car l’étude en est une des meilleures. La pomme de la science n’est aigre que tant qu’elle est verte, mais elle est délicieuse quand on la mange mûre.
En cherchant bien, comme je vous disais tout à l’heure, nous retrouverions de la terre quelques illustrations. Dans ce petit monde, plus de rivalités, chacun est là avec son bagage d’intelligence, de mérite ou de moralité ; c’est le modèle d’une république dont la démocratie serait excellente et l’aristocratie parfaite.
Là, les travailleurs sont heureux d’apprendre et les professeurs plus heureux encore de pouvoir démontrer. Là, chacun lisant mutuellement dans la pensée on ne s’éblouit plus, on ne se jette plus, comme on dit vulgairement ici-bas, de la poudre aux yeux.
La, comparativement à votre monde, les petits sont grands ; on y possède, vous le voyez, la jouissance du travail paisible et on y fait quelques pas vers le paradis spirituel que nous appelons : Amour !
Mes amis, c’est là que je vous donne rendez-vous !... Pour y arriver vous avez une chose bien simple à faire, c’est de vous dépouiller à peu près complètement de ce petit vous-mêmes qui est l’entrave à laquelle vous trébuchez si souvent ; vous n’avez qu’à vous donner, esprit et coeur, à la cause générale humaine.
Heureux ceux qui comprennent et qui comprendront la grande et idéale pensée du progrès. Heureux ceux qui renversent les barrières, ils arriveront les premiers.
Henri Heine.