CHAPITRE XI Ludovic à la recherche de ses incarnations - Ses tortures morales lorsqu'il découvre sa première existence - Pendant un demi siècle après sa mort - Peinture des remords - Instruction de son guide Ma mère, je suis bien bas, aujourd’hui mon ange m’a dit qu’avant de connaître le bien et le mal il fallait apprendre à se connaître soi-même. Je vais entreprendre avec lui un pèlerinage bien long et bien pénible ; je prendrai un bâton de voyage pour me soutenir dans cette route périlleuse ; je rencontrerai force dangers et obstacles, mes pieds se déchireront dans les ronces et les épines du chemin, je serai torturé par la soif en traversant des déserts, je souffrirai l’abandon après la gloire, le mépris après les honneurs, la pauvreté après la richesse ; en divers endroits la terre sera humide de mes sueurs. Je prendrai tour à tour l’aspect d’un vieillard et celui d’une jeune fille ; j’endurerai de nouveau, comme les mortels, les douleurs physiques et morales ; mais mon corps ne sera pas atteint, mon âme seule souffrira, et pour cela il faut qu’elle se revête de celte enveloppe impérissable que l’on appelle périsprit. Sois sans crainte, ô ma mère, mes souffrances ne seront pas de longue durée. Je suis en ce moment sur un vaste champ de bataille, je vois des tableaux effrayants, de nombreuses victimes : les agonisants se soulèvent péniblement et retombent aussitôt pour ne plus se relever ; je vois des armes brisées, des chevaux morts et qui, en tombant, ont écrasé de leur poids leurs cavaliers intrépides. D’un côté, je vois aller, après le carnage, des hommes animés de la plus héroïque charité relever parmi les morts ceux qui ont encore quelques instants à vivre, et panser les blessés ; du côté opposé, je vois les pillards, ces hommes ignobles, qui, comme la hyène, le sang aux lèvres, s’approprient avec une féroce avidité quelques pièces de monnaie et la dépouille des morts. Je vois aussi dans l’espace une multitude d’esprits encore