O ma mère, quelle route immense je parcours tous les jours dans ces mondes ambulants que les esprits forment avec les forces réunies de leurs pensées, tels que les lieux d’expiations formés par les remords, ou bien ces charmants reposoirs où des esprits continuent et perfectionnent des oeuvres commencées sur la terre et interrompues par la mort. Ils peuvent les achever à l’état d’es-prit afin d’en garder une intuition plus profonde, lorsqu’ils reviendront sur la terre les développer matériellement. Il y a de même des endroits où sont réunis les fanatiques en religion et en politique ; ils habitent de petites sphères très rapprochées de la terre. Là, ils suivent avec intérêt tout ce qui se passe concernant la doctrine qu’ils servent encore, et contribuent largement à susciter les passions des mortels pensant comme eux. Ces esprits se renferment dans leur cercle, et ne cherchent pas à s’enquérir si leur cause est bonne ; ils ne visent qu’à son triomphe et souffrent si elle subit un échec. Ici, je n’ai point vu d’esprits d’un ordre élevé ; j’ai remarqué en eux une expression de haine et de jalousie, et une ténacité telle, qu’elle ne permet pas à leurs intelligences de se développer davantage. Ils craignent la visite des esprits supérieurs qui viennent combattre leurs efforts en inspirant la prudence, la sagesse et la justice. Je demandai à mon guide pourquoi leur puissante influence n’était pas anéantie, puisqu’elle contribuait par l’inspiration à troubler les consciences ou à agiter les peuples. « Nous ne pouvons, me répondit-il, disposer ainsi du libre arbitre, même pour empêcher les actions nuisibles. Ces esprits sont sincères, et croient être dans le vrai ; en agissant ainsi, ils pensent servir une bonne cause, et refusent obstinément d’étudier des doctrines qu’ils combattent aveuglément. Cependant, ajouta l’ange ; les oeuvres obscures s’affaiblissent tous les jours, parce que la lumière de l’instruction pénètre partout maintenant. Nous comptons sur ce puissant levier pour affaiblir les passions des masses ; l’oeuvre du bien doit s’accomplir lentement et sans violence ; c’est le seul moyen de l’implanter profondément. »