APRES LA MORT
2 NOVEMBRE 1874
Vous rendez-vous compte bien exactement, humains, mes frères, des jugements qui sont portés sur vous lorsque par la mort on vous croit hors de portée de la voix ?
S’il me fallait ce soir vous faire l’analyse de ce qui a été dit aujourd’hui, seulement des morts de cette année, je ne vous dis pas que vous seriez étonnés, mais j’affirme que je vous ferais une telle peur que bien vite vous me prieriez de me taire.
C’est que l’homme, pour son semblable, est un juge sévère ; l’égalité suivant le mérite, la réelle justice, n’existent que devant Dieu ; à ses pieds seulement, les épis fauchés sont jugés à leur véritable valeur.
Du reste, si l’esprit acquiert par sa mort, une connaissance plus grande de ce qui l’entoure, il ne se débarrasse pas par le fait même de son passage à une autre vie de tous les sentiments humains ; aussi, cette confraternité de la tombe dont il est tant parlé ne s’établit-elle pas toujours de suite. La tombe hélas, ne donne pas les vertus ; et ce n’est que l’esprit relativement avancé qui possède la jouissance de ce sentiment si doux qui fait l’homme grand en même temps que bon. Aussi, ne vous étonnez donc pas trop, si je vous dis que souvent dans vos cimetières, nous voyons des esprits ayant possédé sur la terre, la fortune, regarder d’un oeil complaisant leurs caveaux sculptés et passer en se détournant près de la fosse commune !
Ceci vous prouve que la vie de l’esprit n’est point interrompue par la mort du corps, puisqu’il ne se modifie, même dans l’erraticité, qu’après un long travail sur lui-même.
L’amour fraternel est une vertu encore rare à trouver sur la terre et le dégagement de la matière ne suffit pas pour le comprendre, aussi voyons-nous ici souvent les rôles intervertis ; tel homme dont les vertus sont inscrites en lettres dorées sur le marbre d’un mausolée peut avoir bien besoin de prières ; tel misérable, au contraire, jeté dans un coin de cimetière, oublié, délaissé, inconnu, pourrait offrir un solide appui, l’appui du mérite, à son brillant voisin.
Pour vous, spirites, tâchez, si vous voulez vous éviter dans l’autre vie bien des sujets de peine, si vous voulez trouver autour de vous beaucoup d’amis, de pratiquer cette charité ardente que nous vous prêchons tous les jours ; envoyez à toute douleur une pensée d’affection, à toute blessure un baume, embrassez dans le même sentiment fraternel. Tout ! Tout ce qui pleure, tout ce qui souffre, tout ce qui cherche et poussez-le à Dieu ! Dieu lui donnera ce qui lui manque : la foi, la paix, l’apaisement, la lumière, la force, la douceur et l’espoir !
Balzac.
L’AUMONE SPIRITUELLE
MEME JOUR
Donnez, donnez votre aumône de compassion, la compassion conduit à l’attendrissement, de l’attendrissement à la charité le pas est court.
Donnez, donnez le sentiment si doux qui s’appelle miséricorde, la miséricorde amène l’amour, et l’amour est le plus riche diamant de l’écrin du créateur.
Donnez, aujourd’hui comme toujours et toujours comme aujourd’hui, car tous les jours les larmes coulent, les coeurs saignent, les âmes souffrent et souvent désespèrent !
Donnez, donnez sans regret et puisez à pleines mains dans le trésor spirituel, dans ce trésor inépuisable qui s’augmente lorsqu’on y prend.
Donnez, ô mes frères, donnez des deux mains et de toutes manières ; donnez le bon conseil, donnez la protection quand vous pouvez, donnez l’appui, donnez l’instruction spirituelle, donnez cette aumône morale qui vaut toutes les autres, celle du coeur, celle de la pensée !
Donnez, sans trop vous demander si celui qui reçoit est digne de votre aumône; souvenez-vous que les fruits de la charité sont quelquefois tardifs, que le vrai dévouement ne compte pas sur le fruit quand il plante le noyau ou qu’il greffe l’arbrisseau.
Donnez et aimez véritablement, c’est-à-dire avec l’âme ! Elevez votre pensée au-dessus du niveau ordinaire de la vie, c’est-à-dire aimez en Dieu, comme lui et avec lui !
Sanctifiez votre aumône en l’unissant à l’amour qui vous transporte au créateur ! Toute la création est votre patrie, toute l’humanité terrestre est votre famille, généralisez et agrandissez donc le sentiment dont je vous parle en le répandant sur tous !
Donnez, donnez beaucoup, et beaucoup vous sera rendu en lumière, en intelligence, en bonheur !
Carita.
LA SIMPLICITE
NOVEMBRE 1874
La pensée ayant secoué les lourdes chaînes du pouvoir absolu, son esclavage est fini. L’esprit humain sortit des entraves et des préjugés qui l’asservissaient, il lui reste encore un pas à faire, ce pas consiste à s’affranchir des passions parmi lesquelles je range en première ligne : l’orgueil. L’orgueil qui absorbe à lui seul toutes les bonnes tendances.
Admettons cependant que cet orgueil soit dompté ; le gros arbre déraciné ne laisse-t-il pas autour de lui quelque petit rejeton qui ne demanderait pas mieux que de reprendre vie ?
Ce rejeton, mes enfants, c’est l’amour propre, c’est cet amour de soi qui peut, s’il n’est dominé, ôter à l’esprit toute clairvoyance.
Spirites, je vous signale le danger, souvenez-vous que le maître dit un jour : « si vous n’avez pas la simplicité de ces enfants, vous n’entrerez point dans le royaume des cieux ! »
Simplicité ne veut pas dire sotte et aveugle crédulité, simplicité ne veut pas dire ignorance, simplicité veut dire : droiture et modestie.
La simplicité loin de rejeter l’étude et l’examen, les sollicite au contraire, mais elle ne repousse rien de prime abord, elle n’a pas d’esprit de parti et d’entêtement personnel ; elle n’accepte pas aveuglement, mais elle ne commence jamais par nier ce qu’elle ne connaît pas ou ce qu’elle ne comprend pas.
La simplicité aime les recherches parce qu’elle est vraie et que tout sentiment vrai attire à soi la vérité et l’éclaircissement.
La simplicité est un bon guide, parce qu’elle exclut tout sentiment qui ne serait pas le pur amour de ce qui est vrai.
La simplicité dans l’étude, sans le désir des satisfactions de l’orgueil, la simplicité accompagnée du dévouement, voilà ce qui amène les résultats inespérés.
Le sentiment absolu n’est jamais exempt d’un peu d’orgueil et d’un peu d’égoïsme. Ce sentiment absolu, cette manière de voir entêtée, pourrai-je dire, qui empêche de rien admettre de bon et de vrai en dehors de soi, voilà la pierre d’achoppement qui retarde la marche de l’humanité.
Personne ne veut se tromper, personne ne veut reconnaître la possibilité d’une erreur venant de soi, et le jour où le rayon lumineux parait, il est malheureusement obscurci par le sentiment égoïste.
J’aime à donner ici cette petite leçon qui aura, je le sais, sa répercussion plus loin.
Gratiolet.