L’AVENIR DU SPIRITISME
OCTOBRE 1873
Entre deux monts escarpés un torrent se précipite apportant sur son passage la dévastation et dans les plaines, l’inondation, la ruine, la mort ! Ses ondes bondissent épaisses et troublées, chargées des débris qu’elles entraînent. Le torrent est une catastrophe, le torrent est une anomalie, un trouble, voyons le cours d’eau.
Sorti mince filet des entrailles de la terre, il grossit à l’ombre et devient un ruisseau. Ruisseau au doux murmure d’abord, puis petite rivière apportant la fraîcheur, arrosant la prairie, enfin fleuve majestueux et calme, source de fécondité, bras droit de l’industrie, richesse, beauté, splendeur !
Votre doctrine, ô spirites, n’est point et ne doit point devenir l’impétueux torrent, comme le progrès dont elle est une révélation, elle doit être à son origine, petite, humble et timide, apportant d’abord l’espérance, puis la vérité, puis la science, puis le grand progrès, jusqu’au jour où ayant amené la perfection, elle retournera à Dieu comme le fleuve va se confondre avec la mer !
De même que la source du fleuve est enfouie au sein de la terre, le germe du progrès se trouve dans l’humanité. A vous qui commencez à savoir, à comprendre, à vous préparer le terrain qui doit un jour recevoir le fleuve.
Esope.
PRÊCHEZ PAR L’EXEMPLE
OCTOBRE 1873
Avant de jeter à pleines mains la divine semence qui en fructifiant doit vous donner non seulement la science, mais le bonheur et la liberté, n’est-il pas nécessaire que comme le cultivateur intelligent, nous venions transformer, modifier, bonifier le terrain qui doit nous servir ?...
Toute nouvelle méthode, toute invention demande un, plusieurs et quelquefois beaucoup d’essais avant de réussir. L’espoir de l’inventeur ou du travailleur est bien des fois trompé, et, en commençant son œuvre, il peut faire provision de patience, et se dire que sa persévérance sera soumise à de rudes et fréquents assauts.
Vous et nous sommes tellement unis, mes enfants, que nous nous identifions en quelque sorte, et le « nous » qui va suivre s’applique aux incarnés et aux esprits dont le travail moralisateur est le même pour le bien de l’humanité.
Nous sommes dans cette situation de l’inventeur qui apporte le fruit de son travail et de ses études, de l’inventeur qui apprécie, qui connaît le résultat de ses recherches et qui, les comprenant bien, essaye de faire passer dans l’âme de ceux qui l’entourent sa foi et la certitude du succès.
Tout est vaillamment supporté par l’inventeur, les peines, les veilles, les froissements, les douleurs ! Il veut arriver à son but et il y arrive, aidé de la force qu’il puise en lui et autour de lui.
Ces quelques paroles sont pour vous montrer la position dans laquelle nous nous trouvons vis-à-vis de l’humanité. Nous lui apportons la force, la paix, la vérité, le calme dans les épreuves, nous lui apportons pour l’avenir, l’idéal, la science, la perfection, la liberté, et pourtant, bien peu désirent nous comprendre, bien peu cherchent à entrer dans nos vues et à nous seconder. Pourquoi cette indifférence ? Pourquoi cette indolence de l’âme chez la plus grande partie des incarnés ? C’est que personne ne veut immoler son égoïsme, personne ne veut, abaissant son orgueil, reconnaître que jusque là il s’est trompé ; personne ne veut comprendre que seulement dans le dévouement à tous, se trouve le devoir, et que, seulement, avec le devoir accompli on peut parler des droits acquis.
Tout le monde demande le salaire avant la journée faite, ne voulant pas en accepter la fatigue et le travail.
Terre à modifier en y introduisant les éléments qui la rendront fertiles. Je ne viens point, ô mes amis, vous demander de vous faire pédagogues, et d’aller prêchant bien haut le renversement des choses établies ! Non. Votre mission est plus humble, plus simple, mais aussi plus sûre et plus féconde en bons résultats. Je suis venu vous dire qu’après vous être modifiés vous-mêmes, après avoir cherché le vrai partout où vous pensez le voir, après avoir porté vos recherches et vos études partout où elles peuvent être utiles, vous devez, sous peine de manquer à votre mission, vous devez, vous oubliant vous-mêmes, montrer l’exemple d’une vie exempte de fautes ; vous devez, sans orgueil, prêcher l’humilité ; vous devez, doux jusqu’à ce que le monde appelle faiblesse, pouvoir demander aux autres la fraternité ; vous devez, dévoués toujours et quand même, travailler pour tous, afin de pouvoir demander aux autres le travail.
En vous modifiant, en vous changeant, votre exemple modifiera et changera autour de vous. En étant parfaits, vous pourrez servir de modèles et enseigner votre foi sans que le sourire de l’incrédulité, du dédain, de la raillerie accueille vos paroles. En donnant la théorie de la doctrine spirite, montrez que la pratique peut et doit la suivre. Ce faisant, vous aurez seulement et simplement accompli un devoir.
Notre champ modifié, nous pourrons ensemencer, il faut donc préparer ensemble nos matériaux et nos moyens. Ce qui est fait est peu, ce qui reste à faire est beaucoup, et comme, j’en suis certain, vous voulez arriver vite, vous prendrez, ô chers spirites, la voie droite et les pas rapides. Dieu, par notre intermédiaire, vous donnera la paix, la sécurité intérieure nécessaire à ceux dont la mission est difficile. Que le travail ne vous effraie point, vous arriverez à la fin de votre vie, heureux de n’avoir point été inutiles à vos semblables.
Egmont.
LES ARTISANS DE L’IDÉAL
OCTOBRE 1873
L’idéal n’est pas seulement un mot, c’est un fait. L’idéal n’est pas une utopie, une pensée fugitive, c’est une réalité.
Ce n’est pas seulement une fleur au suave parfum, c’est le fruit délicieux, résultat du travail et du progrès.
L’idéal, c’est la perfection !
Si, du monde où nous nous trouvons, du point de l’espace où nous sommes placés aujourd’hui, nous prenons le microscope spirituel et jetons un regard sur cette humanité s’agitant, grouillant, pour ainsi dire, à la surface du globe qui s’appelle la terre, nous sommes tentés de jeter l’instrument et de détourner la vue, cherchant à élever au-dessus de cette boue notre regard fatigué. Mais si, persistant dans le travail commencé, nous continuons nos investigations et nos recherches, nous découvrons le progrès dans cet amas confus de passions sauvages, de vices, d’imperfections.
Je prends l’humanité et je la fais passer au tamis du critique. L’humanité d’aujourd’hui est une ébauche informe, monstrueuse par place, sans perspective et sans harmonie encore ; mais dans cette ébauche, on peut deviner l’œuvre, le tableau, la pensée !
Tout tableau, pour être parfait, est composé d’ombre et de lumière ; il faut la perspective, et tout l’ensemble ne saurait se trouver au premier plan ; l’ombre est destinée à faire ressortir la lumière.
Ainsi, pour cette humanité, les mauvais, les moins bons, les bons et les parfaits vivent ensemble, travaillent les uns près des autres et concourent à l’harmonie générale de l’œuvre.
Cet ensemble sera une ébauche jusqu’au jour ou les tons s’éclaircissant, les couleurs s’harmonisant et s’adoucissant, on pourra commencer à juger l’œuvre et à l’appeler tableau.
Comme je vous le disais tout à l’heure, en étudiant une ébauche on peut deviner la pensée du peintre, de même à la vue de la terre et de son humanité imparfaite, on pressent le progrès, on devine pour l’avenir la perfection et l’idéal.
Loin de se décourager, les artistes désignés par le Créateur pour travailler à l’oeuvre doivent ne pas ménager leur temps et leurs peines, ils doivent surtout ne jamais douter de la fin qui ne s’aperçoit pas encore, mais qui sera ; car toute oeuvre, toute création divine doit devenir parfaite.
Au tableau, toute l’humanité apporte son concours, seulement il y a les ignorants et les maladroits qui travaillent mal. Vous êtes appelés, spirites, à réparer ou à éviter ces maladresses.
Aujourd’hui, vous avez à donner quelques coups de pinceau, et plus tard vous viendrez ajouter les fins détails qui seront presque l’idéal.
Cet idéal sera suave par la paix et la liberté ! Corrigez donc les imperfections, effacez les formes grossières, rectifiez les proportions insensées, adoucissez les tons criards, et, si laide que vous semble l’ébauche, ne vous découragez pas, le tableau sera parfait !
Henri Heine.
LA LIBERTÉ DE L’ÂME
OCTOBRE 1873
Rien ! — Quoi, rien ? — Peu de chose
— Mais encore ? — Le collier dont je suis attaché
De ce que vous voyez est peut-être la cause.
— Attaché, dit le loup, vous ne courez donc pas
Où vous voulez ? — Pas toujours, mais qu’importe ?
Il importe si bien que de tous vos repas,
Je ne veux en aucune sorte
Et ne voudrais pas même à ce prix un trésor !
Quoi qu’il lui en coûte pour se soustraire aux liens puissants de l’habitude, du préjugé, du qu’en dira-t-on, la liberté de l’âme, la liberté de la conscience, la liberté de la volonté, voilà le triple trésor indispensable au spirite.
Le spirite doit tout voir, tout examiner, tout comprendre, le spirite doit pouvoir tout juger.
Qu’un sentiment s’appelle faiblesse, ignorance ou orgueil, il doit passer sous ses yeux sans que la sainte liberté de son âme en soit effleurée. Aucune crainte ne doit fausser sa manière de voir, il doit marcher à ce qu’il sait être la vérité sans hésitations, sans qu’une égoïste pensée puisse l’arrêter en quoi que ce soit.
Tellement libre doit être son âme, qu’il doit absoudre toute faute par le rayon de bonté qui s’échappe de lui, et rassurer toute timidité, par le souffle divin qu’il doit puiser dans les hautes régions et répandre autour de lui : Force ! Volonté !
Il faut donc que son esprit, libre de toute contrainte, ait rejeté loin de lui tout ce qui ressemblerait à une attache intéressée.
Le spirite n’est plus d’aucune religion, il est de la religion. Or, la religion telle qu’il doit la comprendre est chose tellement pure et tellement sainte, qu’elle ne saurait trouver de contradicteurs.
Par l’effet de sa volonté qui le rendra maître des passions et des préjugés, le spirite deviendra libre d’esprit presque autant que le désincarné dans l’érraticité. Il saura se dégager de ce qui n’est pas le vrai, le seul vrai indiscutable et sublime.
Point de petits sentiments de défiance, de doute, d’orgueil ou d’égoïsme dans le cœur du vrai spirite, il a trop de grandes et belles choses à voir, à savoir et à approfondir pour qu’i1 y ait place pour les vices, les bassesses, les misères de la pensée !
Le premier pas pour arriver à la perfection est celui qui est fait vers la liberté, le dernier mène droit dans ses bras !
La première de toutes les libertés est celle de soi, de sa conscience, de son âme ! Commencez donc, vous qui voulez avancer, par vous débarrasser de tous les liens petits et grands qui vous tiendraient encore enchaînés à un maître qui ne s’appellerait pas le progrès ! Travaillez à vouloir, sachez vouloir et vouloir bien ! Soyez les maîtres de vous-mêmes, et vous deviendrez bientôt indulgents, patients et doux. Sachez vouloir avec sagesse, et vous pourrez dire que vous commencez à entrer dans la vie !
Esope.
LA SAINTETÉ
1er NOVEMBRE 1873
Qu’est-ce qu’un saint ? Je devrais plutôt dire : que faut-il pour être un saint ?
Faut-il une vie exclusivement consacrée à faire son propre salut ?
Faut-il une vie de dévouement irraisonné et souvent peu raisonnable ?
Faut-il une palme, un martyre fanatique, sans savoir même quelquefois bien exactement pour quelle idée on donne sa vie ?
Faut-il cette science que l’on donnera sans mesure aux grands, aux puissants, et qu’on retirera sans miséricorde aux faibles et aux petits ?
Faut-il pour être saint avoir usé sa vie à écrire de beaux livres, d’une utilité quelquefois exclusive, à faire de beaux sermons, clairs seulement pour quelques-uns à prêcher des vertus dont on ignore complètement la pratique ?
Je reviens à ma première question. Qu’est-ce qu’un saint ?
Un saint est ou devrait être un homme parfait.
Un saint est celui qui sachant ce qu’il fait, qui ayant appris, donne sans compter son savoir et son dévouement.
Un saint, c’est l’homme profondément convaincu qui n’ira pas, pour professer son idée, au devant d’une souffrance inutile, mais qui saura ménager ses forces et ne reculera devant aucune, lorsqu’il s’agira d’établir et de consolider les principes du bonheur de tous.
Un saint, c’est un homme exempt d’orgueil qui apprendra beaucoup pour pouvoir enseigner davantage.
Un saint, c’est celui qui, par la force de sa volonté, par la puissance de ses vertus acquises, par la pureté et la simplicité de sa prière, ira, s’il le faut, jusqu’aux pieds du Tout-Puissant chercher l’étincelle, et nouveau Prométhée apportera le feu sur la terre !
Saint, est celui qui sait souffrir quand sa souffrance est un progrès.
Saint, est celui dont les fluides ont des propriétés attractives entraînant à la perfection, à l’amour !
Saint, tout être grand qui sait se faire petit pour le bien général, et ce, dans toutes les religions, dans toutes les nations, dans tous les mondes !
Fénelon.
TOUSSAINT
2 NOVEMBRE 1873
Tous les cierges sont allumés dans l’église ! C’est le jour de l’année qui compte les plus ferventes prières. Quel est celui qui n’a personne à regretter ?
Vous spirites, qui étudiez la loi de charité, répartissez également votre aumône spirituelle sur tous les esprits souffrants et non sur quelques-uns. Prier pour un ou quelques-uns n’est point la sainte prière en ce jour, car tous ont également droit à votre charité.
Que votre prière, comme un reflet de la pensée divine, soit pour les pauvres âmes une flamme, un rayon ! Aimez-les, et apportez sur les plus coupables, sur les plus désespérées, sur les plus délaissées, les plus abondantes et les plus efficaces bénédictions.
A chaque cierge qui s’allume, dit une vieille croyance, une âme est libérée et remonte à Dieu ! Non, mais chaque pensée est fructueuse, chaque prière apporte un soulagement.
Cette réunion de pensées, de volontés, cette quantité de fluides épurés qui s’appellent la miséricorde, la charité et se réunissent par la prière, éclaircissent pour un moment les horizons sombres, apportent avec elles un rayon d’espoir et de paix, voilà ce qui fait la fête des morts !
Bénies soient donc ces prières, ces pensées ! Fermons les yeux sur tout ce qui est affectation, habitude, respect humain, hypocrisie et mensonge, intérêt parfois. Laissons retomber sur la terre ce qui lui appartient, et ne reportons à Dieu que les sentiments purs !
Faisons la fête bien longue en ravivant toutes les affections, en purifiant les pensées, en excitant les gratitudes, en mettant dans les cœurs le feu de l’amour universel !
Tous ceux que vous avez aimés, tous ceux que vous avez aidés sont là, ils vous aiment et vous remercient !
Tous ceux qui vous ont guidés, tous ceux qui ont la main sur vous, vous enveloppent d’une affection plus vive et plus profonde s’il est possible !
Ils vous bénissent, ils vous attendent, et des rivages heureux de la patrie où ils sont arrivés déjà, ils vous attirent ! Pour vous, spirites, la fête des morts est de tous les jours, ne l’oubliez pas !
Melanchthon.
DÉVOUEMENT AU PROGRÈS
9 NOVEMBRE 1873
Vous vous étonnerez peut-être de cette espèce de révélation, au premier abord, elle va vous paraître aventurée ?... Il m’importe peu ; croyez, ne croyez pas, cela m’est parfaitement égal, mais si dans quelques années d’ici, on a trouvé la passe, vous pourrez dire à la face du monde, que Sir John Franklin vous avait affirmé son existence le 9 du mois de novembre 1873.
Si quelque navigateur patient et prévoyant après avoir dépassé le premier monument que nous dressâmes sur notre route pouvait faire encore une centaine de lieues en remontant toujours au nord-est, il trouverait encore des documents qui lui seraient précieux.
Je ne puis hélas indiquer degré par degré la distance à parcourir, mais je sais que le passage se trouvera, et j’ai foi en la persistance des marins de mon pays, et en l’admirable audace des Français !
Non, toutes nos douleurs, toutes nos souffrances, n’auront pas été perdues pour l’avenir ! Il se trouvera certainement des hommes résolus et dévoués pour achever le travail commencé avec tant de foi, continué avec tant d’énergie, et qui n’a malheureusement abouti qu’à une cruelle douleur !
Bénis soient ceux qui comprennent ce que l’amour de la science et du progrès peut faire entreprendre ! Vivement remerciés soient ceux qui nous admirent et nous plaignent au lieu de nous traiter de fous !
La dernière pensée de l’exilé est pour sa patrie, la dernière consolation de celui qui meurt seul loin de tout ce qu’il aime, c’est l’espoir d’une pensée sympathique pour son œuvre de dévouement !
Aucun progrès n’est acheté trop cher ! Honneur à ceux qui sont morts avec moi !
La gloire que j’ai recueillie appartient aussi à ces travailleurs obscurs dont le nom est inconnu, avec eux je la partage fraternellement !
Sir John Franklin3.