POUR LA REGENERATION DES PEUPLES
AVRIL 1873
L’heure de la régénération a sonné, il est temps que les hommes se lèvent ! Une voix lointaine, une voix de la patrie vous apporte un mot : progrès ! Progrès non par la violence, mais par la raison.
Il est temps de renverser le veau d’or !... Comme autrefois Moïse descendit du Sinaï apportant la loi, nous aussi nous descendons de cet autre Sinaï qui est la vie spirituelle et nous vous apportons la foi spirite, la loi, nouvelle pour vous, ancienne et éternelle comme Dieu ! La loi que nous gravons dans nos coeurs !
Privilégiés que vous êtes, comprenez-vous bien tout ce que votre mission sur terre vous demande de dévouement ? Comprenez-vous que des apôtres ne doivent pas être des hommes ordinaires ?... Comprenez-vous que rien, rien, ne doit vous coûter ?... Saurez-vous, jetant au loin le manteau de l’orgueil, vous montrer véritablement ce que vous êtes ?... Saurez-vous, aimant l’humanité plus que vous-mêmes faire abstraction complète de tout sentiment égoïste ?...
Aurez-vous la force, malgré les douleurs, malgré les chutes peut-être, d’avancer toujours sans que votre drapeau soit abaissé ? Vous sentez-vous le courage d’aimer plus que vous-mêmes ce prochain qui vous entoure ?... Vous qui, en acceptant cette incarnation vous êtes entièrement donnés, remplirez-vous votre mandat ?...
Oui !... J’en ai l’espoir ! Oui !... J’en ai la certitude !
Vous marcherez au devant des forces, vous les attirerez et elles viendront à vous.
Loin de vous les découragements, loin de vous les incertitudes qui entravent, il faut vaincre. Vous vaincrez ! Il faut arriver Vous arriverez, non pas seulement parce que vous serez aidés, mais aussi parce que vous l’aurez voulu !
Lacordaire.
COMMUNION SPIRITUELLE
AVRIL 1873 (Jeudi Saint)
Jésus élevant le calice leur dit : « faites ceci en mémoire de moi ! »
Ce que les catholiques fanatiques expliquent d’une manière absolue, j’espère, ô mes amis, que vous l’avez compris ! Je veux croire que cette parole du Christ a été saisie par vous dans son véritable sens.
La Cène est une grande figure !... Qu’est-ce, en effet, que ce pain partagé, que ce vin bu au même calice, sinon la vérité d’abord, la foi et l’amour ensuite, distribués également à toutes les créatures !
Que disait à ses apôtres, ce maître si doux et si grand ?...
O vous que j’ai choisi parmi tous, après vous êtres nourris de ma pensée, après avoir aspiré près de moi ces fluides épurés, que j’ai pu vous apporter des mondes supérieurs au vôtre, après avoir pris de mon âme ce qu’elle contient d’amour pour votre humanité ; ô vous, mes apôtres, vous, mes successeurs, prenez encore une fois de ma main, ce pain qui est la parole de vie, prenez ce calice avec son auréole de vérité, et lorsque je vous aurai quittés, comme moi, pour, moi, en mémoire de moi, rompez ce pain en petites parcelles, et donnez à tous la vie et l’amour ! Répandez le vin du calice et donnez à tous la vérité et les forces ! Appelez au divin banquet, tous les hommes, choisissez parmi les petits, cherchez les humbles, appelez les affamés ! Élevez le calice et que tous accourent, ouvrez vos cœurs et que la charité s’en échappe !
J’ai donné ma vie pour tous et je vous laisse continuer mon œuvre !
Mes amis, je ne suis pas le Christ et vous n’êtes pas les apôtres, prenons néanmoins, vous et moi, le sens de ces paroles et appliquons-le à la situation présente. Ne sommes-nous pas voués les uns et les autres au perfectionnement de la religion ?... Votre tâche n’est-elle pas, à vous comme à nous, en arrachant l’ivraie de faire fructifier le champ du Seigneur ?... A l’exemple du maître ne devons-nous pas, donner pour la réussite de notre entreprise, vie, volonté et travail ?...
Ne devons-nous pas, laissant de côté tout attrait égoïste, marcher ferme et droit dans la voie choisie, et faire avancer vers le progrès cette humanité qui est notre famille ?... — Nous le devons, vous le devez !
Aussi, me conformant à la loi, je vous apporte ce soir, ô mes amis, la communion pascale, je vous apporte de la patrie la paix, les bonnes pensées, le grand courage qui vous fera faire des merveilles !
Je vous apporte la foi, qui transporte les montagnes ! Je vous apporte la certitude que vous êtes dans le vrai, la confirmation des paroles qui vous ont été dites jusqu’aujourd’hui, et, au nom de vos protecteurs, envoyé par eux vers vous, je vais vous dire un mot bien consolant, et bien doux : continuez !
La communion que je vous apporte, c’est cette joie intérieure, partage de tout homme qui veut faire le bien et qui est certain du bien qu’il fait ; c’est la vérité rayonnant sans vous éblouir, c’est la fraternité qui vous unit, qui nous unit à vous ; c’est, mes enfants, tout ce qu’il y a de bon et de saint sur la terre ! C’est un nuage écarté qui vous montre la patrie, ainsi donc, vous aussi soyez apôtres, vous aussi, et en mémoire du modèle que vous avez constamment sous les yeux donnez autour de vous et à tous, la vie, l’amour, la liberté !
La vie, avec votre doctrine, la vérité, avec l’explication de cette doctrine, avec son perfectionnement, avec son esprit ! L’amour, avec votre charité toujours ardente, toujours active et jamais en défaut, votre charité jamais lassée, jamais arrêtée !
Si vous agissez ainsi, mes frères, vous pourrez tourner vos yeux vers le maître, au jour du retour à la vie spirituelle, et montant vers lui vous pourrez lui demander avec confiance : Maître, ai-je été un serviteur fidèle ? Vous pourrez le demander avec la conviction intime qu’il vous sera répondu : Oui !
Allez donc, continuez votre œuvre en mémoire de I’Etre supérieur qui vous a tout donné !
Lacordaire.
EXHORTATION DU VENDREDI-SAINT
AVRIL 1873 (Vendredi Saint)
Enfants, partout ce soir on glorifie la mort du Christ, partout on fait fausse route, car ce n’est point sa mort qui vous a rachetés, c’est sa vie !
La souffrance est peu de chose, la mort n’est rien ! Quelques heures de souffrances ne sont pas un sacrifice tellement inouï, car bien des hommes l’ont accompli, martyrs de leur idée !
Mais ce qui est quelque chose, ce que j’ai donné à la terre dans la plénitude de ma volonté et de mon amour pour elle, c’est l’incarnation, c’est ma pensée, c’est ma doctrine d’amour et de liberté ! Ce qui est le rachat de la terre, c’est la vie spirituelle dont j’ai montré l’existence, c’est le moyen de vaincre la matière et d’arriver au perfectionnement que je lui ai enseigné à chaque moment de ma vie ici-bas !
Comprenez donc bien la vraie voie, comprenez cet enchaînement sublime des œuvres de la création ! Comprenez que monter c’est se rapprocher de Dieu, de Dieu principe des êtres, puissance, justice, bonté !
Continuateurs de mon œuvre, retenez bien mes paroles. Un seul chemin mène à la perfection : la charité !
Enseignez ma doctrine dans toute sa simplicité. Montrez aux aveugles qui vous entourent la puérilité de leurs coutumes, la vanité de leur culte. Montrez que celui-là seul qu’on doit adorer, c’est Dieu ! Dites que le plus beau des temples c’est un cœur pur, que la meilleure prière, c’est le travail, c’est la pensée d’amour pour les créatures et de reconnaissance pour le créateur !
Loin, bien loin de vous, enfants, les croyances rétrogrades font de Dieu un homme ! Chassez tout ce qui n’est pas pur, éloignez les mauvais sentiments qui sont les vendeurs du temple et le souillent ! Priez et agissez ! Préparez le jour de la religion de la conscience, le jour du vrai culte à Dieu, le jour de la fraternité, le jour de la paix !
Prêchez non seulement de paroles, mais surtout d’exemples ! Je vous donne ma pensée, je vous attire à moi, marchez en paix sous l’ombre de mon drapeau !
Esprit de Vérité.
DÉVOUEMENT
MAI 1873
Un très petit nombre d’habitants de la terre a compris ce qui constitue la vraie vie de l’esprit. Seulement quelques hommes d’élite ont su se mettre au-dessus du niveau ordinaire et se faire sous le ciel de tous, un ciel à part. Parmi ceux-là quelques-uns sont arrivés sur terre apportant au fond de leur pensée et de leur cœur une vivante image de la patrie : le dévouement !...
Y en a-t-il beaucoup qui savent faire généralement et sans arrière-pensée le complet sacrifice de leur moi ?... Qui savent, marchant sur les préjugés et mettant de côté les jugements aventurés des hommes, consacrer une vie tout entière à aider l’humanité, à soutenir ses pas sur la route si difficile du progrès ?...
Honneur à ceux-là et bonheur pour eux ! C’est à eux que le créateur ouvrira la porte des mondes heureux en leur disant : « venez vous reposer ici des fatigues endurées pour les hommes, venez puiser de nouvelles forces, chercher dans de plus profondes études un savoir plus grand, car la tâche de l’esprit ne finit jamais ! »
Quelle que soit la voie suivie par l’un ou l’autre de ces esprits dévoués, elle est bonne et sûre, n’en doutez pas, et, si obscure, si minime que vous paraisse la tâche qu’il accomplit, envoyez-lui toujours les bénédictions de votre coeur, aidez-le, si vous en avez la possibilité, en écartant les obstacles qui pourraient entraver sa marche.
Vous êtes solidaires, vous êtes frères, et ce que vous ferez aujourd’hui pour l’un, vous sera rendu dans l’avenir par lui ou par un autre.
Le mot d’ordre du spiritisme n’est-il pas : dévouement ?... Ce mot devrait être gravé en tête de tous vos ouvrages !
B. Nodier.