LE BEAU FAIT AIMER LE BIEN
FÉVRIER 1875
Chacun où il le trouve prend son plaisir. Qu’est-ce que c’est que la terre sans l’illumination du flambeau artistique ? Qu’est-ce que c’est que la jouissance matérielle sans le divin rayonnement du beau ?
Hors de cette voie, en exceptant la morale, qu’a-t-on fait de bien où de bon ?...
Toute chose vraie, toute chose belle, toute chose juste et sainte est une religion, et toute religion a ses apôtres et ses martyrs.
L’art est comme les religions ses sœurs, aussi son char de Jaggernaut sous lequel se précipitent les fanatiques ; et pourtant, l’art est un bienfait, l’art est une suprême jouissance !
L’art est une étincelle qu’un souffle éteint quelquefois, mais qu’un souffle embrase aussi ! Malheureux, bien malheureux est celui qui ne porte pas en lui la divine pensée ! Triste est la vie dont l’intelligence n’est pas inclinée vers cette idéale rêverie que j’appelle l’art.
On vous l’a dit, on vous l’a répété souvent : heureux sont les martyrs ! Et moi je vous dis aujourd’hui : heureux les intrépides, heureux les cœurs forts qui savent souffrir pour le dieu méconnu : pour l’art !
Ceux-là viennent de loin, mais ils iront plus loin encore, car le beau est destiné à faire aimer le bien !
Honneur aux courageux ! Il leur sera tenu compte de toutes leurs fatigues ; pour eux s’apprête dans l’avenir la coupe dorée des jouissances !
Van Dyck.

