LAISSEZ MURIR LES FRUITS
DÉCEMBRE 1874
Si, vous promenant au milieu des vignes à la fin du mois de juin, vous essayez de goûter le raisin, vous aurez du verjus ; mais si vous attendez le mois de septembre vous trouverez la grappe veloutée, noire ou durée. Ceci revient à dire que pour juger la qualité d’un fruit, il faut savoir attendre sa maturité complète.
Il est certain que si aujourd’hui l’un des esprits supérieurs qui veillent au perfectionnement des mondes voulait cueillir ce fruit de la création qu’on appelle l’humanité terrestre, il le trouverait bien âpre et bien mauvais. Ce serait le fruit cueilli avant l’arrivée du puissant rayon d’été, ce serait le fruit vert et sans parfum.
Aujourd’hui encore le mauvais prime le bon ici-bas, il faut à cette terre la conquête et l’essai des libertés qui rendent les hommes bons et sages.
Il lui faut, comme aux plantes, l’air pur et le soleil et non la compression, le froid l’air insalubre.
Ceux qui sont à la tête se figurent généralement qu’à l’aide de la domination suprême, on atteindra tous les résultats, mais ils oublient que tout ce qui est comprimé dévié, ils ne voient pas que la docilité, que la soumission dégénèrent souvent en hypocrisie et font naître la révolte.
Comme tout ce qui est imparfait, la terre a son ignorante enfance et sa folle jeunesse, elle aura aussi son âge de travail et ses jours d’espérance, de calme et de bonté.
Adoucir autant que possible cette époque d’aigreur, d’amertume, neutraliser les haines, empêcher les chocs trop violents, apporter partout les sentiments de paix, de bienveillance, de fraternité réelle, voilà qu’elle doit être l’œuvre de tous les esprits dévoués qui aiment l’humanité pour elle-même et remplissent leur devoir par conviction, par conscience et sans souci de leur satisfaction propre.
Ce doit être l’œuvre des adeptes du spiritisme.
Marie Capelle.
