LA SÉRÉNITÉ DANS L’ÉPREUVE
OCTOBRE 1874
Pour vous exprimer toutes les belles pensées qui me viennent, je voudrais être bien éloquent, et je le suis si peu !... Enfin, je vais faire de mon mieux et vous serez indulgents.
Chers prisonniers, je voudrais vous éclairer la prison ; pauvres oiseaux, aspirant au vol rapide et libre, je voudrais vous dorer les barreaux de la cage, vous les cacher en quelque sorte sous la verdure et les fleurs !
Mes enfants, ne maudissez pas l’existence terrestre, n’enfoncez pas davantage sur votre tête fatiguée la douloureuse couronne d’épines en murmurant sans cesse contre les épreuves que vous avez choisies pendant les jours heureux de l’erraticité !
Vous êtes encore peu expérimentés, car vous ne savez pas vous alléger le fardeau en le portant avec courage et espoir d’arriver vite ; vous retournez sans cesse l’aiguillon dans la blessure, en vous arrêtant à chaque instant ; vous doublez votre fatigue en vous retournant souvent pour vous dire que vous avez fait peu de chemin ; vous ne voyez de votre prison que les murs sombres et les lourdes portes, mais vous ne vous dites pas que cette prison est pourtant réchauffée par le soleil du créateur, vous n’essayez pas de franchir ces portes et de sortir jusqu’à la limite de votre domaine. Or, ce domaine ne sera plus un exil, cette prison tombera, le jour où votre terre perfectionnée par les soins de l’humanité sera un asile de repos et de joie. Vous ne vous dites pas que si vous souffrez aujourd’hui c’est pour arriver à cette conquête. Vous ne voyez pas que vous souffririez moins si vous portiez courageusement votre croix, vous ne comprenez pas que la victoire vous semblerait plus facile si vous montiez joyeusement à l’assaut.
Allons, allons, courage ; puisque dans la vie spirituelle vous êtes des enfants, gardez-vous au moins les bénéfices de l’enfance, les douces et radieuses, illusions qui font regarder l’avenir avec un prisme enchanteur, avec ses horizons empourprés et magnifiques.
Ces illusions de l’enfance, sont peut-être la vérité, et... qui sait ?... Tout simplement un souvenir qui reste à l’esprit des réalités admirables dont il a pu jouir pendant le repos spirituel qu’il vient de quitter ?... Vous voyez que je vous traite en enfants gâtés et que je vous berce doucement tout en vous disant la vérité !
Puisque vous avez le travail, puisque vous êtes en train d’acheter, chèrement, je le confesse, l’expérience et les vertus, puisque vous subissez la chaleur et le poids du jour, acceptez avec bonheur la brise rafraîchissante que nous faisons arriver jusqu’à vous et qui vous porte un mot bien consolant et bien doux : espérance !
M.Jobard.
