JUSTICE
AOUT 1874
« Pardonnez comme nous pardonnons ! »
Pour arriver à la patrie, il faut être exempt de tout mauvais sentiment ; pour fonder sur la terre le règne de la justice, il faut être justes et bons, et avoir compris parfaitement la citation que je viens de faire.
Si c’est une gloire, un bonheur de souffrir pour le progrès, il faut l’acheter par une modification complète de son être. Pour compatir aux misères de tout ce qui vous environne, il faut les avoir comprises, et pour les bien comprendre, il faut que l’impression en soit gravée d’une manière ineffaçable après les avoir soi-même endurées.
Voilà comment l’on peut expliquer à l’aide de votre doctrine certains dévouements profonds à la cause humaine.
Utopie que ce dévouement et ce travail, disent les insouciants et les égoïstes ! Révoltes, disent ceux qui se sont habitués à se servir de leurs semblables comme de marchepieds et qui les considèrent comme un troupeau à conduire, comme une terre à fouler ! Pourquoi, en effet, troubler la paix publique en disant qu’à côté des palais, il y a des mansardes où l’on meurt de faim ?... De quoi se mêlent-ils, ces gens dévoués en demandant pour l’ouvrier un salaire suffisant, n’y a-t-il pas des fortunes colossales à côté des privations trop dures ?...
Pourquoi demander une juste répartition d’instruction, de satisfaction intellectuelle et un peu de bien-être pour tous ?...
Pourquoi ?... — Parce qu’il y a au-dessus des mondes, un Dieu juste et bon qui a établi pour tous la loi de Progrès et de fraternité.
Pour qui ?... — Mais pour ces hommes, les heureux du jour et qui seront peut-être demain les malheureux à leur tour ! Pour ces puissants d’aujourd’hui qui seront peut-être les ouvriers demain !
Aveugles qui ne voient que le présent et ne cherchent pas dans une loi de justice absolue les inégalités de positions. Pauvres fous, qui en veulent à ceux qui leur préparent un avenir plus doux !
Oui, il faut des dévouements, il y en a eu, il y en aura tant qu’il sera besoin pour un monde de pousser la roue du progrès. Le mérite des dévouements, c’est la persécution, soit !... Celui qui est monté au calvaire nous a montré le chemin, nous sommes prêts à le suivre ! Mais, les dévouements germent dans la persécution même ; aussi, pauvre et chère humanité ce n’est pas une, c’est mille vies que je voudrais pouvoir mettre à ton service, dussent-elles être une suite de souffrances, si ces souffrances pouvaient enlever une partie des tiennes !
A toi toujours tout mon travail, toute ma puissance de volonté, toute mon intelligence, tout mon dévouement, et je voudrais les centupler toutes ces facultés pour pouvoir te donner davantage !
Je parle ici à des spirites, convaincus de la justice de la loi de réincarnation et je leur dis que bientôt il me sera donné de reprendre un travail sur cette terre ; je leur demande d’unir à la mienne leurs volontés, afin que je sorte plus vite des premiers troubles, que je ne perde pas un seul des instants qui me sont accordés pour la mission que je dois remplir et que je puisse aussi vite que possible donner à mes frères tout ce que je leur apporte d’amour !
Manin.
