Le mouvement scientifique qui caractérise le XIXème siècle est celui de la recherche positive.
Loin de s’attacher comme jadis à établir des hypothèses admises à priori, et à faire concorder
les phénomènes de la nature avec leurs vues préconçues, les savants ont cherché dans l’étude méticuleuse des faits leur ligne de conduite, et ils sont arrivés, en suivant cette méthode, aux merveilleux résultats que nous constatons chaque jour. Mais si, quittant le domaine matériel, les hommes de science veulent appliquer le positivisme aux réalités spirituelles, ils se heurtent à des difficultés insurmontables, ou du moins qu’ils présentent comme telles.
L’école allemande, avec Buchner et Moleschott, déclare tout net que les vieilles conceptions
de Dieu et de l’âme ont fait leur temps et que la science a réduit au néant ces fabuleuses
croyances. Moleschott s’est appliqué surtout à démontrer que l’idée est directement le produit
d’un travail moléculaire du cerveau, et Karl Vogt ne craint pas de dire que le cerveau sécrète
la pensée à peu près de la même manière que l’urine est sécrétée par les reins. A notre époque, Haeckel a développé des théories analogues ; il n’y a de jeune dans son système que ces mots:
« le mécanisme » et « l’adaptation pathologique », qui signifient tous au fond : matérialisme.
Eh bien, nous, spirites, nous venons dire aux positivistes ceci : nous sommes devenus vos
disciples, nous avons adopté votre méthode, et nous n’acceptons pour vraies que les vérités
démontrées par l’analyse, les sens et l’observation. Loin de nous conduire aux résultats
auxquels vous êtes arrivés, ces instruments de recherche nous ont fait découvrir un nouveau
mode de vie et nous apportent la certitude sur les points les plus discutés.
Les grandes voix des Crookes, des Wallace, des Zoëllner, proclament que de l’examen positif
des phénomènes spirites il ressort clairement que l’âme est immortelle et que, non seulement
elle ne meurt pas, mais encore qu’elle peut se manifester aux humains, au moyen des lois,
encore peu connues, qui régissent la matière impondérable. Tout effet a une cause, et tout
effet intelligent suppose une cause intelligente : tels sont les premiers principes, les axiomes
inébranlables sur lesquels reposent nos démonstrations.
Les matérialistes pouvaient, il y a peu de temps encore, repousser les arguments des
philosophes en leur disant qu’il ne possédaient pas la vraie méthode qui conduit à la vérité ;
mais, avec les procédés spirites, rien de semblable n’est à craindre. Nous ne venons pas dire :
Il faut la foi pour comprendre notre révélation. Nous n’interdisons pas la recherche libre, nous
disons au contraire : venez, instruisez-vous, faites des expériences, cherchez à vous rendre
compte de tous les phénomènes, soyez de méticuleux observateurs, n’acceptez une expérience que si vous avez pu la répéter souvent et dans les circonstances les plus variées, en un mot avancez prudemment dans la recherche de l’inconnu, car en marchant à la découverte de nouveaux principes, les erreurs sont faciles à commettre. Une fois que vous aurez suffisamment étudié, le phénomène vous instruira lui-même sur sa nature et son pouvoir.
N’est-ce pas là une conduite positive par excellence ? Et que pourront répondre à Robert
Hare, au professeur Mapes, à M. Oxon, les plus déterminés matérialistes ?
Nous nous servons des armes de nos ennemis pour les vaincre ; c’est au nom de leur méthode que nous proclamons l’immortalité de l’âme après la mort.
Toutes les théories qui veulent faire de l’homme un automate, tous les savants qui se sont fait
de la science une égide pour proclamer la matérialité de l’être humain, se voient donner le
plus formidable démenti par le témoignage des faits. Non, il n’est pas vrai qu’en nous tout soit
matière ; non il n’est pas juste de penser qu’à la mort du corps, les éléments qui le
composaient étant réduits en poussière, il ne restera rien de ce qui fut un être pensant ;
l’expérience nous démontre qu’ainsi que le papillon sort de la chrysalide, l’âme quitte son
grossier vêtement de chair pour s’élancer, radieuse, dans l’éther, son éternelle patrie. Rien ne
meurt ici-bas, car rien ne se perd. L’atome de matière qui s’échappe d’une combinaison rentre
dans le grand laboratoire de la nature, et l’âme qui devient libre, par la dissolution de ses liens
corporels retourne là d’où elle était venue. La froide nuit du tombeau n’est plus terrifiante
pour nous, car nous avons la preuve certaine que les mausolées ne renferment que des cendres inertes, et que l’être, aimant et pensant n’a pas disparu.
Ah ! C’est surtout pour les misérables, pour les déshérités de ce monde, qu’est douce et
consolante cette sublime preuve de l’immortalité. La certitude absolue d’une vie meilleure
soutient le travailleur dans la lutte acharnée qu’il soutient chaque jour contre la nécessité. La
mort ne lui apparaît plus morne et brutale comme l’anéantissement suprême ; c’est au
contraire la porte qui s’ouvre sur un monde meilleur, l’aurore éclatante d’un jour nouveau
plus rémunérateur de ses souffrances que cette triste terre sur laquelle il végète.
Que tous ceux que la perte d’un être tendrement chéri a laissés las, découragés, relèvent la
tête, car les voix des Esprits nous crient que cette douleur les afflige, qu’ils vivent autour de
nous, qu’ils nous entourent de leur tendresse et que des prières s’élèvent constamment de leur coeur pour demander à l’Eternel de nous protéger contre les périls de l’existence. Voilà les
clartés sublimes qui se dégagent de l’expérience spirite, voilà les certitudes bienheureuses que ne pouvaient nous donner ni les religions ni les philosophies, car leurs dogmes et leurs
doctrines, n’étant plus en harmonie avec les progrès du siècle, laissent l’homme aux prises
avec le doute, ce ver rongeur de la société moderne.
Ne cherchons pas à nous le dissimuler, le temps de la croyance aveugle est passé ; il est
nécessaire aujourd’hui, pour qu’une théorie philosophique, morale ou religieuse soit acceptée,
qu’elle repose sur l’inébranlable fondement de la démonstration scientifique. Autres temps,
autres moeurs : le monde antique s’est appuyé sur la révélation, maintenant il faut la certitude
lentement conquise ; la foi ne suffit plus, il est indispensable que la raison sanctionne ce que
l’on veut nous faire accepter comme des vérités.
La grande puissance du spiritisme consiste dans la liberté d’examen qu’il laisse à ses adeptes.
Tous ses principes peuvent être discutés et remis en question, mais chaque fois que cette
expérience a été faite, il est sorti plus fort et plus robuste que jamais de cette redoutable
épreuve. Les religions, à l’heure actuelle, ressemblent à ces lisières qui ont été indispensables
à l’enfant pour apprendre, à marcher, mais qui lui deviennent inutiles et même nuisibles
lorsqu’il a pris assez de développement pour se diriger seul. Emprisonné dans un dogmatisme
étroit, l’homme du dix-neuvième siècle sent que cet enseignement suranné n’est plus en
harmonie avec ses connaissances, et, forcé de choisir entre les certitudes de la science et la foi imposée, il se jette à corps perdu dans le matérialisme. Mais, si cet homme rencontre une
doctrine qui concilie à la fois les exigences de la science et les besoins de son âme de croire à
quelque chose, il n’hésite plus : il adopte cette foi nouvelle, qui satisfait si bien toutes ses
aspirations. Ces considérations sommaires expliquent l’immense extension du spiritisme. Il ne
faut pas croire, néanmoins, que le spiritisme soit opposé aux religions ; il ne combat que leurs
abus, il s’adresse plus particulièrement aux matérialistes et à ceux qui, sans être complètement
athées, sont dans l’indécision au sujet de la vie future.
Au lieu d’être raillée et combattue, cette doctrine devrait se trouver à la base de tout
enseignement moral ou religieux. En donnant à l’homme la preuve évidente que son passage
sur la terre n’est que temporaire, qu’il aura à répondre plus tard du bien ou du mal qu’il a fait,
on imposerait ainsi une digue salutaire aux mauvais instincts, qui, de nos jours surtout,
menacent de bouleverser la société. Le spiritisme fait connaître en effet, les conditions dans
lesquelles se trouve l’âme après la mort. Au lieu de considérer l’Esprit d’une manière
abstraite, notre doctrine démontre que c’est, après la mort, une véritable individualité, qui a
non moins de réalité que l’homme ; seulement la nature du corps a changé quand les
conditions d’existence n’ont plus été les mêmes.