L’esprit est revêtu d’une enveloppe que nous appelons le périsprit. Ce corps est formé par le
fluide universel terrestre, c’est-à-dire par la matière sous sa forme primordiale. L’union du
corps et de l’âme peut être comparée à une combinaison. Lorsque cette combinaison se
décompose, ce qui arrive à la mort, l’âme se dégage avec son enveloppe spirituelle, qui est
indécomposable, puisqu’elle est formée par la matière sous sa forme initiale, et l’âme
conserve ses propriétés, comme l’oxygène sortant d’une combinaison n’a rien perdu de ses
affinités. Dans cet état, le corps spirituel, suivant l’expression de saint Paul, a des sensations
qui nous sont inconnues sur la terre, mais qui doivent lui procurer des jouissances bien
supérieures à celles que nous éprouvons ici-bas. La science nous apprend, en effet, que nos
sens ne nous font connaître qu’une infime partie de la nature, mais qu’en deçà et au delà des
limites imposées à nos sensations il existe des vibrations subtiles, en nombre infini, qui
constituent des modes d’existence dont nous ne pouvons nous rendre compte, faute de mots
pour exprimer les idées qui y correspondent.
L’âme assiste donc à des spectacles que nous sommes impuissants à décrire, entend des
harmonies que nulle oreille humaine n’a perçues, et se meut dans un milieu en complète
opposition avec les conditions de viabilité terrestre. L’esprit dégagé des entraves du corps n’a
plus besoin de se sustenter, il ne rampe plus sur le sol, la matière impondérable dont il est
formé lui permet de se transporter dans les endroits les plus lointains avec la rapidité de
l’éclair, et, suivant le degré de son avancement moral, ses occupations spirituelles s’éloignent
plus on moins des préoccupations qu’il avait sur la terre.
On ne peut nier aujourd’hui l’existence du corps spirituel, car des expériences directes nous
ont permis d’étudier sa nature et son mode de condensation.
Nous avons vu, dans les expériences de Crookes et d’Aksakow, ce corps spirituel revêtir peu à
peu les caractères de la matière, et les moulages nous montrent que ce corps est
rigoureusement identique à celui que l’Esprit avait sur la terre.
Une simple analogie peut, sinon expliquer, du moins aider à comprendre ce qui a lieu dans ce
cas.
Le périsprit peut être assimilé à un électro-aimant, le corps au spectre magnétique, et la vie à
l’électricité.Tant que le fluide électrique ne circule pas, il n’y a pas de spectre, le fer de l’électro-aimant reste indifférent, c’est le périsprit dans l’espace ; il contient virtuellement toutes les lois qui
formeront l’organisme, mais il ne les exerce pas. Aussitôt que le courant circule dans
l’électro-aimant, la limaille de fer se range suivant un certain ordre et forme ce dessein que
l’on nomme le spectre magnétique ; de même le périsprit, sous l’influence du fluide vital
emprunté au médium, range la matière suivant le dessein de l’organisme, et reproduit le corps
humain tel qu’il était pendant la vie terrestre.
Le périsprit, bien que formé de la matière primitive, est plus ou moins pur d’alliage suivant le
monde habité par l’Esprit. Cette remarque nous amène à signaler la véritable place que nous
occupons dans l’univers.
Une vérité que l’astronomie a rendue aujourd’hui banale, c’est que notre monde n’est plus le
pivot de l’Univers, et que, loin d’être le centre du monde, notre pauvre petite terre est une des
planètes les plus mal partagées du système solaire. Rien dans son volume ou dans la position
de son écliptique, de laquelle résultent les saisons, ne lui donne le droit de s’enorgueillir de la
place qu’elle occupe, et pas très loin de nous, le monde de Jupiter nous offre l’exemple de
conditions d’habitabilité bien préférables aux nôtres. Avec ces connaissances, qui font des
étoiles des soleils comme le nôtre autour desquels circulent des planètes, sont tombées les
erreurs séculaires de nos aïeux, qui avaient placé l’enfer au centre de la terre, et le troisième
ciel, celui où fut ravi saint Paul, aux confins de la création. Ces données cosmologiques se
basaient sur l’ignorance dans laquelle se trouvaient les théologiens des véritables proportions
de l’Univers.
Lorsque la science, avec l’inexorable logique des faits, a ouvert devant nos yeux étonnés et
ravis les perspectives sans bornes de l’infini, lorsque l’astronomie a porté son flambeau dans
les espaces sidéraux, les vieilles légendes se sont évanouies au souffle de la réalité. Les
mondes qui peuplent l’univers sont des terres comme la nôtre, sur lesquelles palpite la vie
universelle, et l’homme moderne rit des enfantines prétentions de nos pères, de borner à cet
imperceptible grain de sable qui s’appelle la terre les manifestations de la force infinie,
incréée, éternelle, de Dieu.
Mais alors, si le ciel n’existe plus à l’endroit qu’on indiquait, où donc est-il transporté ? Dans
quels parages de l’immense Univers devons-nous placer le lieu de délices que l’on promet aux
âmes qui auront rempli dignement leur mission ici-bas ? C’est ce qu’aucune religion
n’indique, et, seul, le spiritisme, en démontrant la véritable destinée de l’homme, nous met à
même de comprendre le progrès indéfini de l’Esprit par des transmigrations successives. En
prenant comme point de départ les attributs de Dieu et la nature de l’homme, Allan Kardec a
montré quel devait être notre avenir spirituel. Nous allons exposer sa théorie en la résumant.
L’homme est composé du corps et de l’esprit ; l’Esprit est l’être principal, l’être de raison,
l’être intelligent ; le corps est l’enveloppe matérielle que revêt temporairement l’Esprit pour
l’accomplissement de sa mission sur la terre, et l’exécution du travail nécessaire à son
avancement. Le corps, usé, se détruit, et l’âme survit à cette destruction. En somme, l’esprit
est tout, et la matière n’est qu’un accessoire, de sorte que l’âme dégagée des liens corporels
rentre dans l’espace, qui est sa véritable patrie.
Il y a donc le monde corporel, composé des Esprits incarnés, le monde spirituel, formé par les
Esprits désincarnés. Les êtres du monde corporel, par le fait même de leur enveloppe
matérielle, sont attachés à la terre ou à un globe quelconque ; le monde spirituel est partout,
autour de nous et dans l’espace ; aucune limite ne lui est assignée. Ainsi que nous l’avons dit,
en raison de leur nature fluidique, les êtres qui le composent ont un mode de vie particulier
qui dépend de leur organisme impondérable.
Les Esprits sont créés simples et ignorants, mais avec l’aptitude à tout acquérir et à progresser en vertu de leur libre arbitre. Par le progrès, ils acquièrent de nouvelles connaissances, de nouvelles facultés, et, par suite, de nouvelles jouissances inconnues aux Esprits inférieurs ; ils voient, entendent, sentent et comprennent ce que les Esprits arriérés ne peuvent ni voir, ni entendre, ni sentir, ni comprendre. Le bonheur est en raison directe du progrès accompli : de sorte que, de deux Esprits, l’un peut n’être pas aussi heureux que l’autre, uniquement parce qu’il n’est pas aussi avancé intellectuellement et moralement, sans qu’ils aient besoin d’être chacun dans un lieu distinct. Quoique étant à côté l’un de l’autre, l’un peut être dans les ténèbres, alors que tout est resplendissant autour de l’autre, absolument comme pour un aveugle et un voyant qui se donnent la main : l’un perçoit la lumière, qui ne fait aucune impression sur son voisin. Le bonheur des Esprits étant inhérent aux qualités qu’ils possèdent, ils le puisent partout où ils se trouvent, à la surface de la terre, au milieu des incarnés ou dans l'espace.
Il est facile de comprendre que l’organisme fluidique soit plus ou moins apte à percevoir les
sensations, suivant que l’Esprit est plus ou moins grossier. Nous savons que les passions
mauvaises vicient l’enveloppe périspritale, comme les maladies corrompent la chair terrestre ;
dès lors, il existe entre les êtres une récompense qui est proportionnelle à la somme de vertus
qu’ils possèdent. Sur la terre, ils nous arrive parfois d’être saisis d’admiration devant les
magiques tableaux d’un coucher de soleil ou d’une aurore immaculée, mais que sont ces jeux
de lumière à côté des vibrations fluidiques sans nombre qui s’entrecroisent sans cesse dans
l’espace et qui procurent à ceux qui en sont témoins les plus ineffables jouissances ! Une
comparaison vulgaire fera mieux comprendre cette situation.
Si, dans un concert, se trouvent deux hommes, l’un bon musicien à l’oreille exercée, l’autre
sans connaissances musicales, et à l’ouïe peu délicate, le premier éprouve une sensation de
bonheur, tandis que le second reste insensible, parce que l’un comprend et perçoit ce qui ne
fait aucune impression sur l’autre. Ainsi en est-il de toutes les jouissances des Esprits ; elles
sont proportionnelles à l’aptitude à les ressentir.
Le monde de l’erraticité a partout des splendeurs et des harmonies, que les Esprits inférieurs,
encore soumis à la matière, n’entrevoient même pas, et qui ne sont accessibles qu’aux Esprits
épurés.
Le spiritisme enseigne que notre situation au-delà de la tombe est la résultante absolue de
notre état moral et des efforts que nous avons faits pour nous élever dans la voie du bien.
Nous pouvons travailler à notre avancement spirituel avec activité ou négligence, suivant
notre désir, mais aussi nos progrès en sont hâtés ou retardés, et, par suite, notre bonheur est
proche ou lointain, suivant notre volonté. Les Esprits sont les propres artisans de leur avenir
selon cette parole du Christ : « À chacun selon ses oeuvres ! » Tout Esprit qui reste en arrière
ne peut s’en prendre qu’à lui-même, de même que celui qui avance en a tout le mérite ; le
bonheur qu’il a conquis n’en a que plus de prix à ses yeux.
La vie normale de l’Esprit est dans l’espace, mais l’incarnation sur une des terres qui peuplent
l’infini est nécessaire à son double progrès, moral et intellectuel : au progrès intellectuel par
l’activité qu’il est obligé de déployer dans le travail, au progrès moral par le besoin qu’ont les
hommes les uns des autres. La vie sociale est la pierre de touche des bonnes et des mauvaises qualités. La bonté, la méchanceté, la douceur, la violence, la bienveillance, la charité, l’égoïsme, l’avarice, l’orgueil, l’humilité, la sincérité, la franchise, la loyauté, la mauvaise foi, l’hypocrisie, en un mot tout ce qui constitue l’homme de bien ou l’homme pervers a pour mobile, pour but ou pour stimulant les rapports de l’homme avec ses semblables ; pour celui qui vivrait seul, il n’y aurait ni vices ni vertus ; si, par l’isolement, il se préserve du mal, il annule le bien.
Une seule existence corporelle est manifestement insuffisante pour que l’Esprit puisse
acquérir tout ce qui lui manque en bien et se défaire de tout ce qui est mauvais en lui. Le
sauvage, par exemple, pourra-t-il jamais dans une seule incarnation atteindre le niveau moral
de l’Européen le plus avancé ? Cela est matériellement impossible. Doit-il donc rester
éternellement dans l’ignorance et la barbarie, privé des jouissances que peut seul procurer le
développement des facultés ? Le simple bon sens repousse une telle supposition, qui serait à
la fois la négation de la justice et de la bonté de Dieu, et celle de la loi progressive de la
nature.