Etiez-vous au Bois, puisque vous dites que vous étiez si prés d’ici tout à l’heure ?
Oui, précisément. Je me suis naturalisé Parisien de l’espace, domicilié au bois de Boulogne. Je regardais tous ces gens en raccourci, et ils me semblaient bien laids dans leur nuage de poussière, au milieu de toutes ces voitures barbares et de ces arbres tuberculeux, et je me demandais pourquoi tous ces gens tenaient tant à habiter la terre ?
C’est le passage qui est ennuyeux, ne vous a-t-il pas ennuyé ?
Oui, un peu. C’est le baptême de la ligne. C’est stupide, mais on ne peut s’empêcher d’avoir un peu peur. C’est une sorte d’habitude de vivre. Voyez-vous : quand on est très jeune, on mourrait très volontiers, parce qu’on a, dans son inconscient, le souvenir de ce qu’on a quitté, mais plus on vieillit, plus ce souvenir s’éloigne. On s’habitue à cette vilaine terre, et on finit par croire que s’en passer est un affreux malheur, c’est pourquoi, plus on avance en âge, et plus on voudrait vieillir encore.
Moi, je n’ai plus du tout ce souvenir !
Si vous n’avez plus ce souvenir, vous avez l’espérance et la certitude. La petite lumière qui vous a guidée pendant vos années d’enfance, s’est éteinte dans le brouillard du passé, mais une autre s’est allumée là-haut, et son éclat augmente chaque jour, vous êtes le papillon nocturne qui va venir s’y brûler, pour renaître plus beau dans notre pays enchanteur. Chère amie, la consolation de la vie, c’est la désincarnation.
Les religions sont-elles vraiment cause de la peur qu’inspire la mort ?
Oui, la preuve en est dans l’Antiquité où nos pères ne la redoutaient pas, mais l’affrontaient même avec grâce et désinvolture. Si le Moyen Age cruel n’avait enfanté des horreurs et affublé Dieu de toutes les passions dévolues à la plus basse des humanités, on n’aurait pas éprouvé cette terreur, et, sachant qu’il s’agit d’un simple voyage, on l’aurait considéré sans effroi et sans appréhension.
Le Pasteur X... a-t-il raison de dire qu’il est bon que les hommes aient peur de la mort ?
Je ne suis pas de cet avis. Tous les efforts des religions tendent pourtant à écarter cette frayeur, seulement, elles s’y prennent si mal que cela ne réussit pas. Chaque fois qu’un prêtre se trouve appelé auprès d’un malade en danger, il cherche à lui donner le calme et la confiance, et il y arriverait s’il lui parlait spiritisme au lieu d’entretenir en lui des idées catholiques qui rappellent toujours qu’à côté du Paradis des élus, il y a l’Enfer des damnés.
Mais, qui donc est revenu dire à ces catholiques que leur croyance est la vraie, et comment peuvent-ils avoir cette assurance ?
Croyez-moi, chère amie, il n’a pas un être, parmi les croyants et les pratiquants, qui n’ait été souvent visité par le doute terrible, et qui n’ait eu peur du néant ou d’une chose inconnue, laquelle est pour lui inquiétante et redoutable.
Comment se fait-il que, cependant, certains n’ont pas peur de la mort ?
Chez quelques-uns, c’est la lassitude de vivre qui enlève la crainte de la mort. Chez d’autres, c’est qu’ils se souviennent, sans s’en rendre compte, de l’au-delà où ils ont déjà été, et qu’un vague instinct les y attire de nouveau. Enfin, pour d’autres, c’est une sorte de fatalisme qui n’est pas raisonné, une sorte de résignation à tout ce qui arrive.
Quand on est spirite, on n’a pas cette peur.
Au moment de la mort, on n’a plus peur du tout.
Mais quand on se dit : « Voici ma dernière maladie...? »
On ne se dit pas cela quand c’est la dernière, parce qu’on n’a généralement pas conscience du danger véritable. Le cerveau est plus enfantin, il ne peut ni ne veut se préoccuper, c’est déjà la quiétude de l’au-delà qui se fait sentir.
Cela arrive généralement ?
Oui et, quand on se voit mourir, on a encore cette quiétude. C’est une intuition de l’au-delà, on y est déjà en partie et l’âme dit au cerveau de ne pas se préoccuper. On se dégage et on quitte son corps tout doucement. Le plus grand bonheur est de s’affaiblir assez pour que, lorsque l’heure de la désincarnation sonne, il n’y ait pas d’effort de la nature.
Mais, que pensent ceux qui, cependant, savent qu’ils vont mourir ?
Il y en a qui sont contents et d’autres qui ont peur.
C’est penser à ceux qu’on laisse qui est terrible !
C’est comme lorsqu’on part en voyage, on en laisse quelques-uns pour aller en retrouver d’autres, cela compense.
La séparation existe en effet, mais est-ce pour longtemps ?
Voilà ce qu’on ignore.
Est-ce que les sentiments s’émoussent à la fin ?
Sans doute, il y a les grâces du moment, et elles sont nombreuses.
Qui les donne ?
Nous. Comme vous êtes déjà plus abordables pour nous, nous intervenons pour modifier votre mentalité et nous réussissons toujours.
Vous pourrez agir sur moi encore mieux qu’à présent ?
Oui. Lorsque ce sera votre dernière maladie, il y aura, même à votre insu, une extériorisation partielle qui nous servira pour changer votre mentalité, et vous viendrez avec nous très doucement, sans aucun choc.
Pourquoi une piqûre de cocaïne me fait-elle une si agréable impression ?
Parce que cela vous amène vers nous. Cela diminue l’intensité de votre matière, et comme vous n’attendez que cela pour vous échapper, vous ne vous faites pas prier pour accourir chez nous.
Je n’y vais pas, car je ne m’endors pas ?
Si vous avez un pied ici et l’autre chez nous.
Comment peut-on être sensible à la cocaïne quand on ne l’est nullement au magnétisme ?
Ce n’est pas du tout la même chose, le magnétisme ne peut enlever la sensibilité qu’aux médiums qui s’extériorisent, tandis que la cocaïne, qui attaque la matière, l’amoindrit et plonge 1’âme dans un état mixte.
Qu’est-ce qu’un état mixte ?
C’est un état qui tient de la vie et de la mort.
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Alors, c’est la sensation éprouvée au moment de la mort ?
Oui. L’appréhension diminue à mesure que la mort approche, parce qu’on est déjà en partie de l’autre côté par conséquent, on voit les siens, et ceux qui vous entourent sont surtout ceux qui attendent votre arrivée impatiemment. Nous y serons.
Pourquoi le mourant se manifeste t-il au loin plus souvent que le mort ?
Parce que, en même temps que l’âme a pris la subtilité de la somnambule pour se transporter ailleurs, elle peut, grâce à la matérialité qui la rattache encore à la terre, se faire voir mieux que lorsque la mort est complète et que l’état de trouble est survenu.
Mais qu’est-ce qui se manifeste au loin ?
Le périsprit, autrement dit ce qui va suivre l’âme.
Le périsprit est-il la même chose que la force vitale ?
Le périsprit est la force vitale soutenue par la matière et retenue par elle pendant la vie. Dès que la matière n’est plus assez forte pour soutenir le périsprit, il s’échappe pour aller vivre dans un milieu complètement approprié à sa nature.
La mort est-elle « l’incapacité de la force vitale à élever au nombre voulu de vibrations le tissu nerveux sur lequel elle agit, ce qui fait que la manifestation de celui-ci devient impossible ? »
Cette définition est vraie, mais un peu pédantesque. Mieux vaut dire simplement que « mourir, c’est briser sa coquille ! »
On demande si la mort est progressive ou subite ?
La mort est progressive d’abord, et finit par être subite.
La mort soudaine ne cause-t-elle aucune douleur à celui qui a le bonheur d’en être atteint ?
C’est une erreur de croire cela. La mort n’est jamais absolument soudaine. Le seul cas où elle ne donne aucune souffrance est celui de la rupture d’un anévrisme.
Y a-t-il vraiment une seconde mort, comme le disent les théosophes, qui croient à sept corps différents ?...
Non. Il n’y a qu’un seul corps astral, mais qui est de plus en plus affiné et dont les différentes facultés sont classées, par les théosophes, comme des corps différents, alors que ce sont simplement des manifestations diverses de I’Esprit. Il n’est donc pas besoin d’une seconde mort, puisque le corps astral subsiste éternellement en se spiritualisant de plus en plus.
Dans l’être incarné, il y a un corps physique, matière, et un périsprit qui est la partie psychique de l’être. Le périsprit est formé d’une partie quasi-matérielle on matière de l’au-delà, chargée de conserver la vie au corps physique, et d’une partie psychique qui est, à cette partie matérielle, ce qu’est le périsprit au corps physique : cette partie, c’est l’âme. Il ne faut pas dire que l’âme est un Esprit. C’était bon à une époque où on venait de redécouvrir le spiritisme, on n’avait jamais, avant, entendu parler de la partie immortelle que sous le nom d’âme, et on confondait les deux choses.
Depuis, on a étudié à fond la doctrine, et on a trouvé que l’Esprit est un composé du corps périsprital ou corps astral, et d’une âme, et que cet ensemble s’incarne dans la matière pendant la vie et retourne à l’au-delà après la mort.
A-t-on raison de dire que, pendant trente-six heures après la mort, l’homme se sent consciemment enveloppé dans un état d’agréable rêverie ?
Oui. Il y a un moment de transition qui s’adoucit par l’influence bienfaisante de l’au-delà et la légèreté qui résulte de la perte du corps physique. C’est ce qui donne aux morts cette expression de sérénité qu’ils ont presque tous, le corps physique n’étant pas encore assez libéré de l’influence périspritale pour n’en pas éprouver les sentiments.
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Est-il vrai qu’on entoure les morts de lumières, et qu’on les veille, pour leur éviter « les attaques des Esprits des cônes d’ombre des planètes ? »
Oui. De même que l’obscurité attire les Esprits, le mort, qui a un pied dans l’au-delà et qui est pourtant encore attaché à la matière, donne aux Esprits très matériels des moyens de reprendre contact, et il faut éviter cette société pour le mort, qui a déjà un peu de peine à changer de sphère au sortir d’une maladie.
Mais quand on l’enterre ?
Plusieurs jours se sont déjà écoulés, et, à ce moment, le dégagement est généralement fait. Tant que le dégagement n’est pas opéré, il est nécessaire de faire de la lumière or, comme on ne sait pas, au juste, quand le dégagement est fait, il vaut mieux entourer le mort de lumières et de bons fluides.
Approuvez-vous l’usage, qu’on cherche à abolir, d’envoyer aux morts des couronnes et des fleurs?
On a raison d’en envoyer, c’est un dernier hommage, une dernière caresse, et on a grand tort de vouloir supprimer cela, d’autant plus que les parfums sont un appui pour les sphères astrales.
Qu’arrive-t-il pour les morts qui sont tombés par milliers sur un champ de bataille ?
Ceux qui donnent leur vie ainsi sont considérés comme martyrs des circonstances et très aidés. Il y a des Esprits dont l’unique fonction est d’aller présider aux sinistres pour aider au dégagement des victimes.
Est-il bon de prier pour les morts ?
Je pense que la prière, considérée comme un courant sympathique, peut appeler, auprès de nouveaux morts, des Esprits capables de les aider. D’ailleurs, vous nous priez bien lorsque vous nous appelez, vous pouvez tout aussi bien nous demander d’aller aider au dégagement d’un tel ! Donc, on peut prier efficacement pour les morts.
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* *
Où se passe le trouble ?
Plus bas que nous. La période de trouble se passe sur terre ou aux abords de la terre, puisque c’est le temps qui s’écoule entre la mort et la rupture définitive entre l’âme et le corps.
Ce trouble qui survient est-il le même pour tous ?
Non, pas pour tous les Esprits. Il y en a de très troublés, mais ceux qui ont eu plusieurs incarnations avancées le sont moins. Le trouble est une période de sommeil profond, reposant pour les uns et dématérialisant pour les autres. Durant cette phase, l’âme prend lentement possession d’elle-même, se détache, presque inconsciemment, du plan délaissé, et rentre petit à petit dans la conscience entière de son état. D’elle-même elle se place où son évolution lui donne le droit de séjourner. Chez beaucoup de mourants, il y a une pensée vers un être aimé ou auquel on s’intéresse, et c’est la force même de cette pensée qui transporte l’âme.
On ne souffre donc pas beaucoup physique ?
A ce moment de la mort, le corps ne ressent plus guère la souffrance.
Il est donc rare de souffrir jusqu’à la fin ?
Oui.
On discutait aujourd’hui sur le mal qu’il peut y avoir pour les morts à les faire voyager ?
C’est très indifférent, cela ne fait rien du tout au périsprit. Le périsprit suit son corps pour commencer, et le quitte ensuite pour s’élever au-dessus de son lieu de sépulture.
Vous aviez reconnu, autrefois, les dangers de l’incinération ?
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Cela dépend beaucoup des Esprits. Si l’Esprit est suffisamment avancé pour quitter de suite sa dépouille physique, on peut incinérer ou faire l’autopsie, mais, si l’Esprit est matériel et reste attaché à son corps, il peut en souffrir beaucoup.
Au moment même de la mort, le périsprit est-il déjà dégagé du corps ?
En partie l’âme emporte toujours avec elle une partie du périsprit. Lorsqu’on fait des expériences de dédoublement, on fait, par le magnétisme, sortir du corps le périsprit, et, cependant, ce périsprit est comme tenu en laisse par la vie restée au pouvoir du corps. Si l’on prolongeait trop cet état, on amènerait la mort, et c’est justement ce qui arrive au moment de la désincarnation. Seulement, dans ce dernier cas, le moment de suspension est beaucoup plus court que dans les expériences de dédoublement, parce que la vie ne réside plus que dans un corps malade, tandis que, dans le magnétisme, le corps vigoureux ne la laisse pas si facilement échapper.
Ces lois sont-elles, en somme, compliquées ?
Ce sont des lois différentes des vôtres, mais pas plus compliquées que n’est une langue étrangère pour un Français.
Qu’appelez-vous nos lois ?
Les lois qui régissent la terre et la vie.
Je parle d’un tableau épouvantable fait, dans un livre occultiste, de l’état des âmes après la mort…
Cela n’arrive qu’à ceux qui n’ont aucune connaissance spirite et qui, de plus, ont eu une existence mauvaise, car ceux qui ont fait leur devoir, qui ont suivi les principes de charité, d’altruisme, de dévouement, etc..., à quelque secte qu’ils appartiennent, ne redoutent rien, une fois morts, ils comprennent de suite, ils élèvent leur âme, et, soit qu’ils appellent Dieu, leurs anges gardiens ou les Esprits et les guides, comme, de toute façon, ils font appel à des entités supérieures, ils sont entourés et n’ont rien à craindre de cet épouvantable sort qui ne peut être le partage que de deux catégories de mourants : Les misérables qui ont mené une vie coupable, et les matérialistes endurcis qui, n’ayant jamais voulu admettre la survivance de leur âme, ne peuvent comprendre ce qui se passe et ressentent cet affolement.
Vous pensez bien que les assassins, les malfaiteurs de toutes sortes ne séjournent pas dans les sphères où vont les gens honnêtes donc ils sont plus bas, plus souillés de matière, et leur physique, trop grossier encore, trop attaché au cadavre, se ressent de ces ignominieuses affinités, ils sont repoussants, hideux, ces grands coupables, et c’est ce qui fait que certains médiums, comme sainte Thérèse, ont cru visiter l’Enfer.
L’extériorisation de ces voyants, ou, plutôt, leur dédoublement, s’est produit trop has, et ils n’ont pu franchir la sphère de ces mauvais Esprits.
Il est dit qu’à la mort, les êtres du mal se disputent l’âme qui quitte la terre, est-ce vrai ?
Cela dépend absolument de l’avancement. Si le désincarné est peu élevé, mauvais même, son périsprit est lourd et l’entraîne vers les couches inférieures où sont les Esprits de basse catégorie, mais, pour ceux déjà assez avancés, l’équilibre du périsprit se retrouve assez facilement, il flotte un peu indécis entre tous les fluides qui voudraient s’attacher à lui et c’est alors que les amis qui l’ont précédé dans l’au-delà peuvent faire oeuvre utile en attirant le nouveau venu par une puissante aimantation.
Quelques disparus insistent, dans leurs communications sur le chagrin qu’on éprouve à voir les regrets de ceux qu’on a laissés en arrière !
Cela veut dire que, lorsqu’on reprend contact avec la terre, on sent la peine qu’on a d’être séparé de ceux qu’on a laissés. On sent alors cette séparation d’une manière assez terrestre pour ne plus éprouver le bonheur de l’au-delà. C’est pourquoi il ne faut pas appeler trop vite les nouveaux désincarnés. Une fois qu’ils sont tout à fait identifiés avec leur nouvel état, ils ne reprennent plus à la terre les sentiments de regret qui font partie de la planète.
Ils voient cependant toujours notre tristesse !
Oui, mais ils ont la notion plus exacte du temps, et la réunion leur apparaît plus proche pour les consoler.
Quand le dégagement est complet, on comprend mieux parce qu’on est plus avancé.