Peut-on dire que « ni la raison, ni l’observation, ni un sentiment intérieur ne tendent à attribuer à Dieu la création des Esprits » ?
La création divine n’est pas, à proprement parler, une création, c’est une sorte d’exhalaison de la divinité, qui est l’essence même du périsprit, d’où il résulte que l’homme, en lui-même, est d’essence divine.
Les animaux sont donc aussi d’essence divine ?
Oui, puisqu’ils se dirigent vers l’humanité.
Est-il vrai que l’Esprit a toujours existé ?
Oui, l’éternité est aussi bien dans le passé que dans l’avenir. Ne cherchez pas à comprendre ; l’éternité ne peut pas être comprise, pas plus que l’immensité. Votre monde étant un monde fini, vous ne pouvez comprendre l’infini, aussi peu dans le temps que dans l’espace.
Pouvez-vous comprendre ?
Oui, beaucoup mieux. Déjà nous avons la notion que le temps n’existe pas, puisque nous ne le mesurons pas. N’ayant plus ce que vous appelez le temps, nous comprenons le peu de valeur qu’il a, et, étant dans l’infini, nous comprenons ce que l’infini doit être.
Nous-mêmes l’avons donc compris souvent, entre nos existences terrestres ?
Oui.
Comment faut-il interpréter ce qu’on dit, que l’âme est une parcelle de la divinité ? Chaque parcelle ne devrait-elle pas être parfaite, et, alors, pour quoi la longue série d’épreuves à travers lesquelles elle se développe ?
Ce qui émane de Dieu est si infinitésimal que, comparé à la matière brutale qu’il anime, c’est très peu de chose, et ce peu ne fait pas complètement la loi au corps qui lui sert de prison, mais ce peu est appelé à grandir dans la suite des existences, et à devenir le dominateur de la matière.
Cette parcelle habitant un corps, s’y développe, et, le jour où elle a grossi de manière à envahir ce corps et à le dominer, elle retourne à la divinité, parce qu’elle a acquis la connaissance qui lui permet de redevenir le satellite de Dieu.
Il est bien certain que le grain de blé semé dans la terre n’est qu’une parcelle de l’épi, l’épi est une chose parfaite, et le grain est une parcelle de cette perfection. Si vous voulez le moudre, il donnera une parcelle de la même farine, mais ce ne sera qu’une parcelle, et, pour en donner davantage, il faut qu’il évolue et redevienne épi.
Il germe, et ce n’est qu’au bout de plusieurs mois qu’il produit la chose parfaite pour commencer, il est déposé dans la terre qui doit le pourrir pour qu’il en sorte un germe nouveau, victorieux de la matière immonde dans laquelle il a commencé sa vie. Vous voyez bien que tout se ressemble.
Un chercheur dit « qu’il est à craindre que l’idée déiste qui imprègne si profondément la doctrine spirite, ne soit le poison qui se dissimule dans le parfum exquis de cet élixir de vie », et conclut en disant que « Dieu ne peut être un être s’ajoutant à la série des êtres, que la croyance en l’immortalité des âmes n’affirme ni n’infirme en rien l’existence de Dieu, qui reste un problème insoluble pour les plus vastes intelligences... ? »
C’est très bien et très vrai.
Qu’est-ce, en somme, que Dieu ?
C’est une force et une intelligence, mais c’est indéfinissable.
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Dieu est impersonnel ?
Oui.
Mais il existe une force au-dessus de tout ?
Oui.
Sont ce les êtres supérieurs qui dirigent tout ?
Oui, certes, ce sont les représentants de cette force que vous appelez la divinité.
Vous ne pouvez nous expliquer cela mieux ?
Non, c’est un sujet fermé pour moi qui ne l’expliquerait pas bien, et pour vous qui n’y comprendriez rien.
Mais pourquoi nous parlez-vous de Dieu ?
C’est pour nous faire comprendre. Ce mot ne signifie rien ; il est court, c’est l’essentiel. Jamais vous ne comprendrez le système tant que vous voudrez croire à un Dieu personnel, au lieu de croire à la vie de l’univers.
Dieu, je vous l’ai dit, est inexplicable parce que, pour l’expliquer, il faudrait se servir de mots qui n’ont pas d’équivalent chez vous, et qui ne vous diraient rien.
Si vous disiez à un aveugle-né que ce livre est rouge, il ne comprendrait pas du tout ce que c’est que la couleur rouge, et vous seriez incapable de la lui définir ; vous trouveriez même mauvais qu’il se fâche et exige cette définition que vous ne pourriez lui fournir, puisque rien ne pourrait lui donner l’idée de la couleur rouge. Eh bien, l’explication de Dieu est de ce genre, vous ne pourriez ni la comprendre, ni la concevoir, parce que, pour cela, il faut des sens que vous ne posséderez que quand vous serez de l’autre côté, et toutes nos explications sont des à peu près cherchant à vous mettre sur la voie.
Vous ne trouvez pas qu’il est révoltant de se représenter un Dieu tout-puissant, et de voir toutes les souffrances, toutes les horreurs de ce monde ?
Il n’y a rien de révoltant. Cela vous révolte justement parce que vous voulez que Dieu soit un être compréhensible pour vous, et que vous vous obstinez à lui donner la direction de tous les petits événements. Dites-vous donc une bonne fois qu’il ne verse ni joies ni souffrances sur l’humanité. Il anime tout ce qui existe, et c’est cette vie elle-même qui produit le bien et le mal, ainsi que les catastrophes, les guerres, les épidémies, etc.
Cela me parait bien la même chose !
Non, cela ne se ressemble nullement.
Il me semble que Dieu devrait être horriblement malheureux en voyant le malheur de l’humanité !
Non, d’abord parce que le malheur le plus grand ne dure pas longtemps quand on le compare à l’éternité.
Il est difficile de se consoler ainsi. Ah, voilà pourquoi vous ne pouvez concevoir Dieu !
Le concevez-vous, vous ?
Un peu mieux.
Et vous trouvez que tout est bien arrangé ?
Rien n’a été arrangé par personne, c’est vous qui arrangez. Vous voulez absolument que Dieu ait arrangé quelque chose pour cela, il faudrait qu’il y eût un commencement, et, au contraire, il n’y en a pas eu.
Tout cela est fort difficile à comprendre !
C’est pourquoi je vous conseille d’abandonner cette question.
Je dis à Charles que je ne suis pas très satisfaite des dernières réponses de Roudophe...
Il est vrai que cette question a été moins brillamment répondue que bien d’autres, mais, si vous me l’aviez posée, je ne l’aurais probablement pas mieux traitée. Je serais resté dans la supposition et vous aurais dit qu’un Dieu aussi personnel et humain que celui des religions pourrait en effet être accusé d’injustice, d’impuissance, ou d’indifférence.
Mais ce n’est pas le cas. Dieu étant la force immanente qui met en action l’univers entier, c’est ensuite à cet univers qu’il appartient de procréer, d’activer la vie et la génération, et tout événement pouvant trouver sa cause dans son propre voisinage n’a pas à être conduit par une volonté et une sollicitude dirigeantes.
La machine à vapeur d’une usine qui met en mouvement toutes les autres machines, n’a rien à voir ni à faire avec chacune d’elles en particulier. Elles sont dirigées par des mains d’ouvriers qui guident la besogne à travers les rouages, se servant à distance de la force motrice, qui est très éloignée quelquefois.
Ainsi est le monde Dieu, force motrice, imprime la vie et le mouvement à une quantité de corps matériels dont l’âme est l’ouvrier dirigeant. Il plane au-dessus de cette immense usine qui est l’univers, mais il laisse au temps, aux événements, le soin de fabriquer, d’affiner l’âme. Il veut qu’elle soit responsable et gagne son expérience à ses dépens, afin de lui revenir un jour épurée, divinisée, et qu’une part plus belle et plus large puisse lui être confiée dans l’oeuvre de vie et de génération éternelle.
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Est-il vrai que, si l’on pouvait parvenir à fabriquer chimiquement une graine, la vie viendrait d’elle-même l’animer ?
Non, parce qu’on ne peut pas inviter un périsprit à venir habiter un corps dans la construction duquel n’est entrée la collaboration d’aucun périsprit.
Je conclus de là qu’on se fait des illusions en pensant arriver à produire artificiellement des êtres vivants... ?
C’est impossible, parce que la matière dont se serviront les savants sera une matière empruntée à la chimie et non une matière vivante imprégnée d’astralité. Il faut toujours qu’il y ait une partie astrale qui attire l’incarnation. Toute chose vivante à une partie matérielle et une partie astrale ; les plantes elles-mêmes possèdent cette dualité.
Papus a-t-il raison de dire que la vie et le périsprit sont la même chose ?
Non, pas absolument. La vie, c’est la présence, dans le corps, de l’âme et du périsprit. Le périsprit, c’est la forme de la vie. La vie absolue, c’est l’âme, qui tantôt vient animer le corps, en se servant de tous ses organes, tantôt retourne avec son périsprit dans l’au-delà, pour s’y manifester d’une manière différente.
Le périsprit est la forme de la vie, non seulement parce qu’il façonne le corps matériel, mais encore parce qu’il garde cette forme dans l’au-delà.
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Le Dr D... demande s’il y a « fusion de plusieurs des âmes des minéraux et des végétaux pour former ensuite l’âme des animaux et, plus tard, celle de l’homme ? »
Oui, ce sont des parcelles qui, étant incomplètes, se joignent à d’autres parcelles qui les complètent, avant d’aller habiter le corps humain.
Faut il admettre qu’il y ait des créations successives ?
Oui, la génération est sans fin. Il faut bien remplacer les âmes des végétaux à mesure que ces âmes deviennent animales.
Qu’est ce que l’âme géologique ?
L’âme géologique est un composé d’atomes dont le groupement forme cette âme. Si on en extrait des parcelles, cela ne l’atteint pas dans son entier, mais cela fait évaporer un souffle animique qui, libéré de la matière, cherche à reprendre vie ailleurs, c’est-à-dire dans un corps plus approprié au travail qu’il a déjà accompli. La collectivité existe pour tout ce qui est attaché à la terre.
Les végétaux sont-ils aussi collectifs ?
Ils le sont encore un peu, mais ils s’acheminent vers la personnalité.
Ces âmes à incarnations multiples, ces âmes animant de véritables collections de créatures, ne se retrouvent donc pas jusque dans les règnes supérieurs ?
J’admets cette collectivité pour les minéraux et les végétaux, mais l’animal pense déjà et a une personnalité. Le castor, qui bâtit sa maison au bord d’une rivière et qui sait que cette rivière portera ses matériaux à l’endroit choisi, est bien une intelligence, et je mets en fait que chaque animal, depuis le poisson rouge, depuis l’insecte jusqu’au haut de l’échelle, a sa personnalité. A quoi servirait l’âme collective dont on vous parle ? A rien.
L’instinct n’est pas autre chose que l’intelligence à un degré inférieur, et, si cette intelligence se transmet, elle n’a pas besoin d’âme collective pour agir. L’hirondelle frileuse possédant, comme tous les ailés, le sens de l’orientation, sent que, là-bas, les vents sont plus doux, et elle émigre, mais, comme une des premières manifestations de l’âme, c’est l’association, elle part avec ses compagnes ; elle sent déjà, dans sa petite âme rudimentaire, quelle ne peut affronter les dangers du voyage que grâce à un groupement, que les cris de toute cette compagnie volant en rangs serrés, éloigneront l’oiseau de proie prêt à fondre sur la victime, et voilà pourquoi les hirondelles se réunissent pour accomplir ces longs trajets.
Mais elles ne sont pas seules à avoir cet instinct du groupement... voyez les abeilles, les fourmis, quelle admirable organisation est la leur ! C’est déjà une communauté régie par une supérieure à laquelle toutes obéissent, car elles sont instruites, par leur instinct, de ce qui s’impose, c’est-à-dire qu’aucun travail important ne peut être exécuté par un seul individu.
Certes, l’animal domestique progresse plus vite, mais ce n’est pas l’homme, son éducateur, qui chasse une âme collective.., non, il cueille simplement l’âme animale, et cherche à lui inculquer la pensée et la réflexion, ou seulement à développer ses moyens d’action qui existent à l’état rudimentaire et ne demandent qu’à s’épanouir.
J’admets l’âme géologique et la grande âme végétale qui a de nombreux enfants, mais on ne peut nier qu’au moment où l’âme passe du règne végétal au règne animal, il y ait une transition énorme, car la fleur ou l’arbre devient ces fleurs sous-marines qui se meuvent par leur volonté. L’arbre ne se meut qu’avec le secours d’éléments étrangers à sa volonté, tels que le vent, la fleur ne s’ouvre que par l’action du soleil et non pas parce qu’elle fait un effort pour cela, tandis que l’anémone de mer replie ses pétales ou les rouvre à volonté. En somme, dès que la personnalité s’éveille, il n’y a plus d’âme collective.
Je demande ce qui détermine le changement d’espèce chez un animal ?...
C’est un instinct qui réclame ce dont il va avoir besoin.
Qu’est-ce, au juste, que l’instinct ?
L’instinct est une intelligence mise dans un certain moule et qui revêtira toujours la forme prise.
Ce moule est le cerveau de l’animal dans lequel on met une sorte d’intelligence inconsciente qui doit agir dans un sens déterminé pour les besoins de la vie qu’il vient accomplir. Mais il y a instinct et instinct. L’instinct d’un insecte, par exemple, reçoit cette impulsion et la suit, pour ainsi dire, bêtement. A mesure que l’animal se perfectionne, il y a beaucoup plus de conscience dans cet instinct, et il se rapproche de l’intelligence. Tout est le résultat de l’évolution. Moins l’être incarné est évolué, moins il se sert de son embryon de cerveau pour développer ce qu’il a déjà en lui-même. Au contraire, plus il est évolué, plus son esprit cherche à apporter sa conscience dans l’acte qui lui est propre et dans ses décisions qui, peu à peu, perdent leur caractère instinctif pour revêtir le caractère intellectuel.
Il n’est donc pas vrai que l’animal ne possède que l’instinct qui le dirige, mais pas l’intelligence ?
L’intelligence est le développement de l’instinct ; c’est une phase du progrès, et elle existe chez les animaux qui sont près de l’humanité. Le trait d’union entre la bête et l’homme semble être le sauvage ou le paysan très rétrograde qui, même sur son visage, porte encore la trace de l’animalité.
Il y avait autrefois des traits d’union entre l’homme et l’animal, mais les animaux étant beaucoup plus intelligents à présent qu’autrefois, se rapprochant beaucoup plus de l’homme, le trait d’union a disparu.
La phase humaine constitue-t-elle, vraiment, dans la création, « le degré le plus bas de l’involution, et le point de départ de l’évolution rédemptrice ? »
Il est vrai que les premières formes de vie, ressentant très peu la domination matérielle qui s’exerce par la volonté et le désir, sont des phases moins mauvaises que la terrible époque de transition qui consiste à passer de l’animal à l’humanité. C’est quand l’âme arrive à l’humanité que la responsabilité commence.
Est-elle plus avancée à ce moment quand elle vient d’un chien ou d’un animal bon que d’un autre ?...
Non, du tout. Cela dépend de la mentalité et non de l’espèce de l’animal, car un chien n’est pas forcément bon ou méchant. Un animal n’est pas forcément méchant parce qu’il tue pour dévorer ; l’homme lui-même ne fait pas autre chose. Un animal est bon ou méchant suivant qu’il obéit ou non aux lois naturelles, c’est-à-dire à la sollicitude pour sa progéniture et ses semblables, et à la reconnaissance envers ceux qui lui font du bien. Mais l’animal étant bon, souvent l’homme rudimentaire est bestial et méchant, parce qu’il revient avec sa mentalité de bête, augmentée du pouvoir de la volonté, de la liberté, et de la conception d’une intelligence qui s’éveille. Il se sent trop libre, trop puissant, et en abuse.
Toute époque de transition peut paraître une involution, en réalité ce n’en est point une: c’est un nouveau schéma destiné à perfectionner l’âme beaucoup plus que ne le permettrait la forme abandonnée.
Ce sont des muscles puissants qui ne savent encore qu’étrangler, mais qui apprendront à plier leur force pour le service de l’humanité fraternelle et le progrès de la planète. C’est une force terrible qui naît comme un torrent fougueux, mais qui, une fois endigué, servira à féconder la terre.
Peut-on aussi considérer notre époque « comme une époque de transition, et tous les méfaits des bandits actuels sont-ils le symptôme d’un progrès futur ? »
Ce n’est pas, à vrai dire, un symptôme, mais ce qui cause ces infamies, c’est le progrès lui-même. Si les bandits se dérobent, c’est grâce aux automobiles, s’ils se défendent si bien, c’est grâce à ce que les armes sont perfectionnées, etc., etc. En somme, cela vient du considérable progrès qui s’effectue de plus en plus rapidement, au point qu’un siècle voit naître plus de découvertes que les vingt siècles qui l’ont précédé réunis. C’est donc un affolement qui accompagne toutes ces découvertes.
Cependant, grâce à elles, on peut arriver à faire beaucoup de bien, de charités, à améliorer considérablement le sort humain donc, de ce schéma doit sortir une société plus parfaite que celle d’avant les nouvelles découvertes, mais il faut que cette société se bâtisse sur ce nouveau plan.
La facilité avec laquelle on fait le mal peut être comparée à une première incarnation humaine et à l’ivresse du pouvoir qui l’accompagne, ivresse qui tourne en brutalité et méchanceté, mais qui doit arriver à se transformer par la seule loi du progrès sans fin.
Tout point de départ doit mener à la perfections à une perfection variée autant que les natures mêmes auxquelles elle s’adresse, mais l’oeuvre du grand Tout étant parfaite dans son ensemble, rien ne saurait être une ombre permanente au tableau grandiose des perfections accumulées.
Savoir attendre est le seul conseil que les humains aient à recevoir de nous ; plus tard, ils comprendront, lorsque la grande porte qui se sera refermée sur leur tombe, leur livrera l’entrée de celle qui masque l’infini.